Les helvetes underground

Avec leur premier album “Certaines ruines“, Cyril Cyril marquera la rentrée et son territoire sur le paysage rock français. Leur créneau : exotisme lo-fi et transcendance poétique.

Après un premier ep distribué par les Disques Bongo Joe, excellent label suisse dépoussiérant la musique world underground, Cyril cyril sortira leur Lp Certaines ruines, le 28 septembre 2018 chez Born Bad Records. Ce n’est pas un hasard si Born Bad via leur boss, JB Wizzz les signe car tous les groupes de rock indépendant français qui comptent le plus actuellement sont chez eux. Certaines ruines est la nouvelle preuve que la scène rock francophone passe actuellement par une période très stimulante à l’instar de Grand Veymont, Catastrophe, Tôle froide, Ceylon, Train Fantôme, etc.
Cyril Cyril tandem au prénom miroir reflète l’air du temps : une génération cultivée aux aspirations multi-culturelles qui a parfaitement intégré tout l’héritage rock de ces cinquante dernières années. Les deux Cyril sont Genevois et ont un parcours au passeport bien rempli. Rien qu’à la lecture des titres du ep aux noms de sites très évocateurs : le colosse de Rhodes et Sayyara, Cyril Cyril a certainement un guide touristique sous un bras et les contes et légendes sous l’autre.  Le duo affiche un esthétisme arty sans prise d’esthètes, porte des costumes asiatiques en toute simplicité et s’invente ainsi un univers exotique idéal pour un été indie(n). Le groupe se transforme pour nous transporter avec leur rock lettré vers des contrées aux sonorités mystérieuses.
Certaines ruines roulera sur vous à la manière d’un palpé roulé. Fermez les yeux et laissez vous aller. Les 10 titres de 41 minutes s’écoutent comme on  raconte des histoires aux enfants. Pas celles dont on connaîtrait la fin ou les rouages mais celles qui tiennent en haleine, celles qui questionnent, celles qui brouillent les pistes, celles qui échappent aux définitions, celles qui remontent aux origines. Car comme trop peu de disques me le font dire dès les premières minutes : il se passe quelque chose à l’écoute de Certaines ruines. Je n’ai pas attendu avec impatience le refrain, le riff ou le gimmick qui se fait attendre. Rien de tout ça, j’ai de suite été subjugué par la simplicité de leur musique, roots sans être baba, vintage et moderne à la fois. La couleur particulière du lp passe par le choix important des instruments : banjo, sonnailles fait de coquillages, accordéon diatonique, orgue, guitare et batterie étranges, mais aussi par le mélange d’incantations/poèmes et de différents chants et langues dont une orientale pour Sayyara. Cyril cyril produit une espèce de transe velvetienne avec La ville, l’utilisation comme unique rythmique: des sonnailles évoque Moondog sur Colosse de Rhodes, celui-ci invite les « Âmes damnées au karma gigantesque » rien que ça ! Avec Samarcande à la mélodie arabisante et lancinante, comment interpréter cette voix qui nous répète « je ne fais que passer n’est-ce pas? » Est-ce prophétique? Et plus loin « Derrière moi les ruines devant moi les ruines » après eux le déluge? Ou est-ce une invitation à tuer le temps à leur écoute?
Le résultat de tout cet assemblage : une musique surprenante pour un disque hors norme et vagabond. Le split rêvé entre Brigitte Fontaine et Animal CollectiveCertaines ruines deviendra un monument ça c’est certain.

Low – Double Negative Triptych – « Quorum », « Dancing and Blood » and « Fly »

Low

C’est vers la fin des années 1960, que Michael Heizer, artiste du Land Art a quitté New York pour les déserts de la Californie et du Nevada où il a commencé à produire à large échelle des travaux gigantesques qui pourraient être vus de la Lune. Une de ses œuvres les plus célèbres est le Double Negative, une sculpture négative composée de deux entailles dans le désert du Nevada, une longue tranchée dans la terre, large de 13m, profonde de 15m et longue de 457m. Sa construction dura de 1969 à 1970 et résulte du déplacement de 244 800 tonnes de roches. Le «négatif» du titre de l’œuvre fait référence à la fois à l’espace négatif naturel et à l’artificiel.

Double Négative Michael Heizer
Double Négative Michael Heizer

L’œuvre consiste essentiellement dans ce qui n’est pas présent, dans ce qui a été déplacé. Et ce n’est pas anodin si Low groupe américain originaire de Duluth (Minnesota) actif depuis les années 90 et créateurs d’une musique singulière égrenée le long de plus de 11 albums emprunte au géant de pierre le titre de leur prochain album à paraître le 14 septembre 2018 et pour lequel 3 titres enchaînés sur une vidéo viennent de sortir. Ones and Sixes, le dernier album nous avait laissé sur les rivages lents et violents d’une beauté à couper le souffle, sublimé par BJ Burton dans les studios Eau Claire de Bon Iver. Aujourd’hui Low délivre 3 titres «Quorum», «Dancing and Blodd» and «Fly», issus du prochain album, un slowcore revisité en clair obscur alternant instants de clartés et de ténèbres, musique bruitiste et moments de lumière.

Michael Heizer avec Double Negative, a marqué les années 60 et 70 avec son univers brutal et ses monuments au gigantesque absolu, aujourd’hui Low semble entrer une fois de plus dans la légende de la musique.

A écouter attentivement, de multiple fois. Triple Etoiles.

Alberto Montero revêt sa plus belle pop de chambre

Le troubadour espagnol s’affranchit du song-writing traditionnel avec un album de la maturité on ne peut plus harmonieux et au parti pris orchestral accessible à tous.

Les groupes indie espagnols traversent difficilement les Pyrénées.  Étant allé personnellement plusieurs fois à deux des grandes messes espagnoles que sont le FIB et le Low Festival , je ne suis jamais tombé de l’armoire avec la « pop » de la péninsule. Mise à part le concert de dingue de ZA! (des potes à Alberto d’ailleurs) en septembre 17 au détonnant festival Baignade Interdite  à Rivière dans le Tarn, je ne suis resté accroché qu’aux disques des cadors des nineties : Los planetas et Migala.

Après avoir fait ses gammes en groupe, Alberto Montero part s’installer à Barcelone et commence une carrière solo en marge de la production très popy espagnole. Dès 2008 il sort un premier disque où il joue à peu prés tous les instruments en chantant en anglais sur des compositions folk-rock. Pour son deuxième disque en 2011, Claroscuro, il chante cette fois dans la langue de Cervantes et ses compositions prennent une tournure plus romantiques.

Pour la petite histoire, c’est grâce à la programmation de l’improbable lieu le garage secret dans le quartier des Minimes toulousain, que j’ai pu découvrir l’année dernière Alberto Montero en première partie de Eloise Decazes & Eric Chenaux. Le Piers Faccini ibérique joua en solo avec sa guitare classique et interpréta des chansons mélancoliques sans être dramatiques. Sa prestation me laissa scotché et imperméable au duo qui suivi. Je lui ai acheté son disque Arco mediterraneo (2015) qui devint par la suite mon disque de chevet. A la première écoute, je m’aperçus qu’il  manquait deux titres exceptionnels qui étaient restés gravés dans ma mémoire depuis le concert : Hoy ayer et En el Camino  issu de Puerto Principe (2013) que j’ai pu retrouver heureusement sur son bandcamp.

Les deux titres ici unplugged plus quelques autres :

Les deux précédents LP sont selon moi et avec un enthousiasme pas très feint, proches de la quintessence du genre classical-folk. Les compositions sont habillées avec grâce par un quatuor à cordes, le timbre de voix angélique d’Alberto et sa technique de chant pro-lyrique auréole son œuvre de bout en bout. Ce sont deux  disques aux mélodies radicalement chantantes que nous attendions tous de Brian Wilson et Alberto Montero nous les a offert.

Depuis 2016 et jusque l’enregistrement en été 2017, le compositeur et tous les musiciens qui l’entourent pour son dernier projet ont empilé pierre après pierre afin de construire cette cathédrale.  Alberto continue d’expérimenter avec beaucoup de cohérence l’harmonie et le contrepoint. Son processus de création nous amène aujourd’hui, à l’écoute de La catedral sumergida, un disque plus intime  qui invite à  nous recueillir. Le valencien, catalan d’adoption,  s’éloigne de manière surprenante du song-writing pour se rapprocher d’une pop de chambre. Sa cathédrale nous submerge par des thèmes de piano à la Debussy, d’introductions au violoncelle oniriques et donne ainsi la part belles aux cordes et donc moins qu’à la guitare/chant comme auparavant.

Ce nouveau disque est peut-être le moins calibré pop, le plus conceptuel mais les compositions sont toujours aussi subjuguantes. Alberto Montero a, comme quelques-uns, trop de talent pour être célèbre. Son chef d’œuvre est distribué depuis le 6 avril 2018 par BCstore.

François LLORENS

PARANOÏD est dans PANAMA !

paranoïd

 « Spontanéité, c‘est le maître mot de Paranoïd, que ce soit dans l‘écriture de groupe ou dans le jeu, le groupe maîtrise son sujet. Des textes sincères sur des mélodies simples, accrocheuses mais poétiques, accompagnés d‘une orchestration riche et innovante; toujours actuelle. »

Paranoïd rejoint notre programme d’accompagnement, avec un rock actuel, mature, fondé sur le diptyque d’un chant maîtrisé oscillant entre le dur et le doux, et d’une musique aux riffs accrocheurs et populaires.

Le coup de cœur Rock de la sélection PANAMA !

https://www.facebook.com/paranoid.officiel/

ISCLE DATZIRA est dans PANAMA !

Iscle Datzira

Rencontré l’an dernier, Iscle Datzira rejoint le programme PANAMA pour 2018 et sa musique enveloppe le bureau des Musicophages depuis des semaines !

Jeune saxophoniste, disposant déjà d’un univers et d’une maturité musicale remarquables, Iscle vous fera virevolter au gré de ses classiques de jazz revisités, de ses improvisations maîtrisées et de ses mélodies caractérisées d’une technique sans concession. Une superbe découverte, à suivre de près !

Découvrez-le au naturel sur le bord de la mer à Barcelone, sa ville natale.

https://www.facebook.com/iscledatziramusic

https://www.iscledatzira.com/

Gofannon est dans PANAMA !

Gofannon

Aujourd’hui, nous avons choisi de vous faire découvrir Gofannon, un autre artiste découvert par Les Musicophages et en accompagnement dans le parcours PANAMA.

« Puisant sa force dans la musique traditionnelle et les visions sylvestres les plus archaïques, Gofannon mélange les genres, les ambiances et les langues pour délivrer une musique folklorique d’un caractère puissant, grave, ou formidable, selon les circonstances… »

Projet porté par Samuel Méric, nous proposant une musique pagan-folk, ambiante et acoustique,  accompagnée tantôt de chant Occitan, tantôt de chant Suédois, Gofannon vous nimbe d’un manteau de brume montagneuse et vous guide le long d’un sentier rocailleux, presque inquiétant, jusqu’à la salvatrice percée d’une voix chaleureuse à travers les nuages, réchauffant l’écoute et les âmes !

https://www.facebook.com/gofannon/

https://gofannon.bandcamp.com/releases

INGRID OBLED dans PANAMA !

Ingrid Obled

Troisième retenue de cet appel à projet (et nous en sommes fiers !), Ingrid Obled pose ses valises dans PANAMA, et son univers avec. Loin de la musique d’ambiance, du remplissage sonore ou d’une supercherie faite de frivolités, Ingrid envoûte et invite, son public se fige, hypnotisé, capturé, découvrant un instrument traditionnel finlandais, joué de main de maître, et sublimé par l’utilisation de réverbérations et de boucles lui accordant un écho sans précédent. Un instant en suspens, une ponctuation salvatrice dans notre imaginaire, dont on ressort à voix basse.

« Un univers à part avec sa vièle à archet finlandaise (nyckelharpa), sa contrebasse et son looper. Un voyage, une traversée de carrures rythmiques différentes se superposant, où les repères de temporalité sont effacés. Ainsi s’ouvrent des espaces intérieurs. Une expérience envoûtante, hors du  temps… »

https://www.facebook.com/ingridobled/

Oddur est si doux

Avec Four sequencies, El Odderiño guitariste virtuose islandais offre un EP d’une douceur sans pareille.

L’Islande nous réserve encore des découvertes musicales inouïes et je vous assure d’emblée que Björk ou Sigur Ròs ne sortiront pas d’une source d’eau chaude au détour de cette brève. Loin d’être isolée ou renfermée sur elle-même, l’île de la géothermie s’ouvre au monde depuis toujours et l’effervescence de musiciens s’impose dans nos casques depuis l’avènement des sites de streaming. Mais qu’est-ce qui fait qu’il y a une si grande concentration de talents? Seraient-ce les vapeurs de quelques volcans? La proximité du cercle polaire ? Ou le fait que d’anciennes mythologies comparent leurs terres et paysages à la porte des enfers? il n’en est rien, la réponse se trouve dans leur culture et le système éducatif qui enseigne à tous la pratique d’un instrument dès le plus jeune âge. Ainsi jouer le Clavier bien tempéré de Bach équivaut, chez nous, à réciter une petite comptine.

La vidéo qui suit nous montre l’artiste dans un sauna, Oddur à cuire ? reprenant Sons de Carrilhões de João Pernambuco.

A peu de chose près, j’écrivais une brève sur Örvar Smárason (Mùm) qui s’apprête à sortir son premier album solo chez Moor Music.  Mais il a fallu que je croise le chemin de Oddur, personne passionnée/passionnante, humble et honnête. Le genre de rencontre qui permet de remettre les pendules à l’heure ou plutôt de s’en débarrasser.  Son approche contemporaine de la guitare et sa passion pour le répertoire andalou m’a réconcilié avec l’instrument. Ce qui a réorienté mes écoutes récentes vers des sonorités pures sans arrangements gonflés/gonflants.

Oddur S. Báruson aka El Odderiõ est donc un guitariste classique, né et résidant à Reykjavík. Son premier contact avec la musique a été établi au début de son adolescence, jouant de la guitare électrique avec des groupes de rock n’roll. Vers l’âge de vingt ans, il s’intéresse à la guitare classique et c’est dans cette voie qu’il poursuit ses études au Conservatoire FÍH.  Oddur a joué sur scène en tant que guitariste classique à plusieurs reprises, à la fois en groupe et en solo. Il a enregistré et publié de la musique issue du répertoire classique, des compositeurs tels que Heitor Villa-Lobos, Fernando Sor (attention, c’est addictif) et Antonio Lauro. De plus, c’est un arrangeur prolifique de la musique populaire pour guitare classique. Dernièrement, son attention s’est fixée sur ses propres compositions. En toute fin d’année dernière, il a donc publié sur son bandcamp une pièce en quatre mouvements, intitulée Four Sequences et travaille actuellement sur son prochain LP de compositions originales

Attaché à une musique dont il est parvenu à pénétrer les influences pour mieux les transcender, El Odderiño évoque tour à tour avec Four Sequencies un jour de voyage, une nocturne, la lueur du soir et la brise du matin. Oddur interprète ses compositions courtes aux lignes mélodiques amples avec grâce et sensibilité ce qui ravira au plus profond d’entre nous les âmes poétiques .

François LLORENS

DJENAVI !

DJENAVI

Chaque jour, nous allons vous faire découvrir un projet artistique basé à Toulouse et qui est accompagné par le Centre de Ressource des Musicophages au travers du dispositif PANAMA. L’occasion d’écouter des projets naissants et volontairement hybrides pour une découverte un peu différente de ce qu’on a l’habitude d’entendre dans la ville rose. On démarre avec DJENAVI, un groupe découvert lors des auditions publiques au Bijou. Ce quartet propose une excursion musicale et lyrique, empruntant ci et là les codes de la musique de chambre, les sonorités orientales, le folklore balkanique, ou encore les structures modernes d’une musique contemplative et cinématique.

« Un soir d’hiver dans une maison froide. Un feu qui réchauffe et des instruments qui se rencontrent. Presque vivants, ils donnent le goût de l’aventure. L’envie de créer ensemble, de saisir les vibrations pour les explorer, les transformer, l’envie d’attraper des notes pour les savourer, leur donner vie… ».

https://www.facebook.com/Djenavi-1775562935805885/

Grand Veymont atteint des sommets

Objet disque (Perio, Mocke, etc.) nous gratte-hifi  une fois de plus d’un EP qui porte bien son nom : Route du vertige.  Sorti le 18 février dernier, ces 4 titres aériens nous sont insufflés par un duo d’explorateurs de splendeurs : Béatrice et Jossselin aka Grand Veymont.

L’ascension de Grand Veymont, le plus haut sommet du Vercors (sic) ne dure que 45 minutes (le disque) mais cela suffit pour vite rentrer dans une transe synthétique. L’écoute s’apparente à une randonnée à travers les grands espaces pop , un saut avec ou sans élastique dans le Vert-Kraut, prendre de la hauteur enfin, sur des cimes analogiques. Au sommet, je déchausse le casque et continu d’être pris d’une extase cotonneuse jusque tard.

L’indiscutable héritage de Broadcast et de Stereolab est omniprésent pour les vétérans mais la référence passée, Route du Vertige  se trouve être unique et d’une très grande élégance. Entre le chant et la narration en français, Béatrice nous livre ses psaumes de façon habitée ce qui installe tout du long une atmosphère onirique, propice à la contemplation.

Grand Veymont

Les claviers vintages maîtrisés et une belle production confère à ce disque somptueux une aura qui saura dépasser je l’espère l’entre soi des diggers.

François LLORENS