Le Piano Day s’invite aux Musicophages

Pour fêter la journée internationale du piano le lundi 29 mars, Les Musicophages vont transmettre en direct sur Facebook le concert donné par les talentueux compositeurs Iscle Datzira et Lorenzo Naccarato, diffusé gratuitement à partir de 19h30.

Pour l’amour du piano

Cette année, Les Musicophages célèbrent le Piano Day. Créé par le musicien, compositeur et producteur berlinois Nils Frahm en 2015, cet événement dédié aux amoureux du clavier se déroule le 29 mars, quatre-vingt-huitième jour de l’année, en référence au nombre de touches de l’instrument. L’envie de l’artiste allemand de consacrer une journée spéciale à son instrument de prédilection naît du désir de mettre en lumière tous ceux qui honorent le piano, qu’ils soient dilettantes ou professionnels : interprètes, compositeurs, fabricants, accordeurs ou auditeurs.

En 2014, il demande au fabricant David Klavins de concevoir pour lui « Una Corda », piano de moins de cent kilos doté de marteaux ne frappant qu’une corde au lieu de trois habituellement pour chaque note. Il n’est donc pas étonnant que le compositeur adepte d’expérimentations offre de la visibilité à la diversité des projets qui font résonner les mélodies du clavier dans le monde entier. Chaque année depuis la création du Piano Day, Nils Frahm concocte une playlist avec les titres de différents artistes, diffusée le jour même sur les plateformes de streaming musicales, avec des extraits inédits à la clef. En 2020, la sélection comprenait les morceaux de grands compositeurs tels que Max Richter, Ryūichi Sakamoto ou encore Ólafur Arnalds. Que nous réserve-t-il pour 2021 ?

En attendant son florilège de cette année, nous vous présentons d’ores et déjà les prestigieux artistes Lorenzo Naccarato et Iscle Datzira, qui ont tous deux suivi un acompagnement chez Les Musicophages et mènent désormais une carrière internationale. Ils se produiront dans nos locaux au 6, rue de la Bourse à Toulouse. Si le contexte actuel ne nous permet pas d’accueillir de public, qu’à cela ne tienne, le concert sera filmé et diffusé en direct sur Facebook, de 19h30 à 21h. L’événement est gratuit et vous pourrez y assister confortablement depuis votre canapé.

Le piano « préparé » de Lorenzo Naccarato

Le pianiste Lorenzo Naccarato s’empare du jazz actuel et des musiques répétitives pour créer des passerelles entre impressionnisme et minimalisme. Diplômé de musicologie en jazz et musiques improvisées, il poursuit sa formation auprès de jazzmen qui inspirent son jeu : Enrico Pieranunzi, Claude Tchamitchian ou encore Andy Emler. À Toulouse, il collabore avec la Cinémathèque où il participe à des ciné-concerts et réalise des « concert-dessinés » pour le festival littéraire Le Marathon des mots, où il rend hommage à Nina Simone ou Thelenious Monk.

Lorenzo Naccarato

Riche d’une expérience en solo et en trio, il fonde le Lorenzo Naccarato Trio en 2012 avec le contrebassiste Adrien Roguez et le batteur Benjamin Naud qu’il rencontre pendant ses études. Ensemble, ils façonnent des compositions influencées par le jazz de Robert Glasper et Christian Scott, la musique répétitive de Philip Glass ou encore le registre impressionniste de Debussy. Ils sortent leur premier album Lorenzo Naccarato Trio sur le label Laborie Jazz (Sébastien Farge, Diederik Wissels) en 2016. La réception du public est enthousiaste et donne lieu à une tournée internationale en Inde, Chine et Équateur. Leur deuxième album, Nova Rupta, voit le jour en novembre 2018.

Pour cette première édition du Piano Day organisée par Les Musicophages, Lorenzo Naccarato, explorateur de sonorités inédites, donnera une performance en solo avec son piano « préparé ». Ce concept popularisé par John Cage en 1937 consiste à modifier le son de l’instrument en installant dans les cordes du piano une variété infinie d’objets tels que des boulons, des vis, du tissu… C’est ce que l’on appelle la « préparation ». Cette technique chère à la musique contemporaine et improvisée éclaire la dimension artisanale du piano, instrument que l’on peut s’approprier d’une diversité de manières.

Piano préparé de Lorenzo Naccarato avec des bandes aimantées, des pinces à linge et un filtre à café

Vibrations improvisées avec Iscle Datzira

Natif de Barcelone, ce virtuose de la musique s’initie aux instruments à vent, saxophone, clarinette et piano alors qu’il n’a que sept ans. Adolescent, il commence à composer ses propres morceaux, nourri d’une vaste palette sonore qui s’étend du jazz aux musiques expérimentales. Après des études à l’institut artistique barcelonais Oriol Marterel où il est diplômé de saxophone et musique classique, il poursuit son cursus à l’école Music’ Halle de Toulouse et au Conservatoire d’Amsterdam. Quelques mois plus tard, il met fin à son parcours à l’université pour se consacrer à une recherche musicale plus personnelle autour des vibrations.

Iscle Datzira

En 2016, il représente l’Espagne lors du concours international de composition « Maurice Ravel » où il est finaliste. Membre de nombreux big bands lors de festivals comme Jazz In Marciac, il collabore avec des artistes de renom, à l’instar des Américains Jesse Davis et James Carter, qu’il accompagne sur scène ou en studio. À peine âgé de vingt-cinq ans, le saxophoniste multiplie les projets et a une discographie très fournie, signant sa participation sur quatorze opus. Pour son premier album solo Lyricism on 432Hz-Tuned Tenor Saxophone sorti chez Temps Records en 2018, il se prête à un exercice particulier en créant un son singulier en 432 Hertz qui rappelle l’accordage vintage de la première moitié du vingtième siècle. En 2020, il édite Turu, deuxième album solo où neuf morceaux se succèdent en douze minutes qui transportent l’auditeur au bord de la mer.

Pour le Piano Day des Musicophages, Iscle Datzira livrera une improvisation inédite, armé de son piano, saxophone et looper – machine qui permet de reproduire, arrêter ou démarrer une boucle. Cela offre au musicien la liberté de jouer et superposer d’autres notes aux sons enregistrés avec le looper.

Pour ne rien manquer du piano préparé de Lorenzo Naccarato et des improvisations entêtantes d’Iscle Datzira, rendez-vous le 29 mars à 19h30 sur le Facebook des Musicophages.

Site officiel du Piano Day

Site Officiel de Lorenzo Naccarato

Facebook d’Iscle Datzira

Parlana part III / Interview

parlana interview

Notre chroniqueur Omar Wild termine son reportage avec une interview du créateur de Parlana :

Trois questions à Jody Vagnoni, créateur de Parlana.

Tu es Italien, comment as-tu eu l’idée de créer un événement tel que Parlana en Bolivie ?
J’ai vécu et voyagé dans plusieurs parties du monde et à chaque fois je cherchais à rencontrer les habitants du pays, car je savais que ma perception du pays, en tant qu’étranger, était limitée.
Je trouvais ce lien très fort entre un étranger et des locaux, car l’étranger peut changer son point de vue sur la culture du pays, et les locaux peuvent comprendre les questionnements de l’étranger.
J’appelle ce lien une « co-construction »… Puis j’ai atterri en Bolivie en tant que bénévole et j’ai connu beaucoup d’autres voyageurs qui cherchaient à communiquer. J’ai alors créé une réunion, comme un café linguistique en Europe, mais je voulais lui donner un nom original en Quechua, la langue locale. « Parlana » veut dire « parlons », sa sonorité est compréhensible par tout le monde. Cela a commencé tout petit mais ça a très vite grandi car je ne voulais pas limiter l’événement au simple échange linguistique; il y a beaucoup de belles choses cachées en Bolivie, je voulais que l’événement devienne une occasion de découverte de la culture… C’est devenu une grosse gestion qui jongle entre sortie culturelle et teuf! J’aime cette ambivalence entre le fait de se cultiver et se détruire. En Bolivie, aucun rendez-vous, même religieux ou autochtone, ne peut finir sans fête et sans destruction, fête et boisson.

Le tourisme de masse est très récent en Bolivie, avec des bons et des mauvais effets. Qu’en penses-tu ?
La Bolivie a un énorme avantage avec ses territoires que tout le monde connaît et ceux qui sont inconnus. Ce qui est connu, c’est une sorte de zone de confort, La Paz, Salar de Uyuni, le Lac Titicaca. Très peu de voyageurs vont dans les villages et les vallées. La plupart sont juste de passage et veulent enchaîner les pays d’Amérique Latine. Mais ce qu’on ne mentionne pas, c’est l’impact que ce pays a sur les voyageurs étrangers. La plupart viennent ici avec de petites attentes et repartent en ayant vécu une expérience bien plus riche que celle vécue dans d’autres pays. Ici on peut pratiquer un tourisme alternatif de bonne qualité car rien n’est encore systématisé et l’expérience vécue sera unique, où tout reste encore à découvrir et à explorer, par rapport aux autres pays du continent.

Quels sont les prochains projets de Parlana en Bolivie et dans le monde ?
La Bolivie est un pays énorme et il manque encore plein de services touristiques, comme les visites urbaines, la valorisation de la culture locale, le service personnalisé. Parlana est un service alternatif. Nous avons un nouveau projet qui s’appelle Parlana Experience et qui a déjà gagné deux prix comme meilleure start up en Bolivie. Il s’agit d’une plateforme où les résidents proposent de partager leur savoir-faire avec des voyageurs. Ces résidents s’appellent les « gurus ». Il y a le guru culturel, festif, sportif, explorateur, féru de gastronomie, artisan, spirituel, etc. Ces personnes ont leurs passions, leurs expériences et leur vision de la Bolivie, qu’ils veulent partager avec des voyageurs. Par exemple, je suis un « guru culturel » et je fais des retraites de cinq jours dans la vallée. Certaines agences proposent ce même type de services, mais elles n’ont pas un guru qui propose un service personnalisé, sur mesure, où il partage sa vie avec toi, et à un prix moindre, fixé par le guru… Ce n’est pas réservé qu’aux jeunes guides. Par exemple, un de nos bénévoles a fait découvrir le lieu de vie d’une femme paysanne avec qui tu vas récolter des légumes et cuisiner un plat, puis tu vas te baigner dans la rivière qui passe à côté de sa maison. Cette femme est devenue un « guru » depuis. Et ça n’existe ni dans une agence touristique, ni dans Trip Advisor, Lonely Planet, ou autre site.

Omar W.

Crédits photo: Adrian Cardozo