Qui est Amy Winehouse avant la gloire ?

« Ces photos peuvent changer la perception que les gens ont d’Amy »

En une poignée de tubes, Amy Winehouse devient la coqueluche de la soul et inspire les artistes les plus influents (Lady Gaga, Jean-Paul Gaultier). Sa voix de contralto hors du commun, ses chansons mélancoliques aux textes teintés d’ironie lucide séduisent des générations d’auditeurs. Pourtant, l’histoire n’a souvent retenu que sa fin tragique survenue le 23 juillet 2011, alors qu’elle n’a que vingt-sept ans.

Le photographe en herbe Charles Moriarty, tout juste expatrié d’Irlande, rencontre la chanteuse à Londres en 2003 alors qu’elle a dix-neuf ans. Partageant les mêmes goûts pour la vie nocturne, l’esthétique vintage et le pop art, ils deviennent amis. Il tire le portrait d’Amy pour illustrer la pochette de son premier album Frank, dont on célèbre les vingt ans cette année. Ce cliché fait partie d’une collection d’instantanés pris entre Londres et New York où se révèle une Amy Winehouse enjouée et solaire, qui a déjà tout d’une icône. Exposées pour la première fois, ces photographies sont dévoilées au Magma à Finhan jusqu’au 1er octobre. Entretien nostalgie avec Charles Moriarty, qui brosse le portrait d’une artiste à l’aube de la consécration.

Charles Moriarty

Lors de votre première rencontre, que penses-tu d’Amy ?

Je ne sais rien d’elle. Je n’ai jamais entendu sa musique. Elle vient dans mon appartement de Spitalfields, dans l’est de Londres. Elle s’assied à la table de ma cuisine et nous parlons. Nous partageons nos points communs, des parents divorcés. À mes yeux, c’était juste une fille normale de dix-neuf ans. Elle ne se comportait pas du tout comme quelqu’un qui aurait voulu devenir une pop-star. Elle était elle-même : très amusante. Elle aimait rire. Nous sommes entrés en connexion très rapidement.

Qu’attendait-elle de ces séances photos ?

Elle voulait que les photos reflètent sa personnalité, qui elle était en tant que personne. Pas la mise en scène orchestrée d’un tableau de studio. Je n’étais pas encore un photographe accompli et ne savais pas comment j’allais m’y prendre. Nous sommes descendus dans la rue et je me demandais : « va-t-elle te laisser la voir ? » Je devais prendre une certaine distance pour qu’elle se sente en confiance et soit elle-même. Une fois que c’est arrivé, c’était vraiment facile. Elle savait que je n’étais pas engagé par quelqu’un pour faire ces photos, c’était elle qui avait le contrôle.

Que s’est-il passé après le shooting à Londres ?

J’ai développé et donné les photos à Amy. Deux semaines plus tard, son manager Nick Shymanski m’appelle et me dit qu’ils aimeraient en utiliser une pour la pochette de Frank. J’étais heureux et très surpris. Je n’attendais rien de ce shooting. Ça n’était pas un job, seulement une faveur accordée à un ami qui voulait que je prenne des photos. Elles n’étaient même pas censées être utilisées ! C’était pour donner un exemple de ce qu’Amy voulait pour son album, mais je ne pensais pas que ça serait un de mes portraits qui l’illustrerait.

Pochette de l’album Frank.

Vous avez ensuite pris d’autres photos à New-York.

C’est Nick Shymanski qui nous l’a demandé. Nous voulions réaliser le shooting à Camden mais à cause de nos emplois du temps respectifs, nous n’avons pas pu. Nous étions tous les deux à New-York pour vingt-quatre heures. Tout semblait mal programmé mais on s’est tellement amusés que le résultat s’en ressent sur les photos, pourtant à l’époque je les détestais ! Je n’avais pas encore l’œil d’un photographe aguerri. Je ne percevais pas ce qu’il y avait en elles et je ne les ai pas regardées pendant plus de dix ans.

Quand as-tu commencé à les apprécier ?

Trois ou quatre ans après la mort d’Amy. J’ai appris à voir ce qu’elles recelaient de positif, que ces photos peuvent changer la perception qu’ont les gens d’elle. Je veux qu’ils voient la fille que j’ai vue, la personne que j’aimais, très différente de celle que les tabloïds dépeignaient. J’ai toujours essayé de nuancer son histoire pour que les gens comprennent qu’il y a une personne réelle derrière. L’Amy que l’on voit sur les photos est une fille de dix-neuf ans très intelligente, une musicienne de talent. La capacité de sa musique à exprimer des choses stupéfiantes, son habileté à écrire et interpréter des chansons en live avec une telle émotion, peu de gens seraient capable d’en faire autant. Et c’était original ! Elle emploie un langage habile, un vocabulaire inattendu. Je pense que sa musique marquera les esprits longtemps, parce qu’elle est unique.

Avec son goût pour la musique des années 50 et 60, elle s’inscrivait à contre-courant des genres musicaux en vogue au début des années 2000.

Oui, Amy détestait beaucoup d’artistes. Elle n’aimait pas Dido. Il y avait un format préfabriqué pour les artistes féminines qui jouaient en solo à ce moment-là et représentaient une tendance pour les labels, avec Joss Stone, Katie Melua. Amy ne voulait pas y prendre part. Elle a essayé de déterminer ses propres règles.

Amy à New York, pastiche de la Venus de Titien.

Sur un cliché new-yorkais, elle est allongée sur un sofa comme la Vénus de Titien.

C’est un pastiche. Ce que j’adore dans cette photo, c’est qu’elle porte une jupe crayon avec des motifs reproduits d’un tableau de Roy Lichtenstein. Les couleurs de ses vêtements répondent aux coloris du portrait : son haut jaune est identique au jaune de Lichteinstein, les tons verts de sa jupe aux coussins du sofa et à la peinture affichée derrière elle. Tu te retrouves avec cette scène où tout est miraculeusement assorti. Amy adorait le pop-art, elle comprenait ces références. C’était une grande fan de l’histoire américaine du vingtième siècle, surtout des années 50 et 60. Ensemble, on regardait des films avec Paul Newman. Elle adorait Sex and the city où elle piochait des inspirations pour son style, étant une grande fan de la styliste de la série, Patricia Field.

On perçoit cette attention dans le portrait intimiste où Amy se maquille devant son miroir.

Oui, elle nous raconte quelque chose. J’ai essayé de créer une narration autour de cette fille qui se met du rouge à lèvres et s’apprête à sortir. Soudain, elle relève ses cheveux en choucroute, ce qu’elle ne faisait pas encore à cette époque. Cette photo entraîne de la confusion chez ceux qui la regardent. Ils tombent dans le piège et croient qu’elle date de Back to Black, mais Amy n’a que dix-neuf ans. En creux, il y a l’idée de ce à quoi elle veut ressembler. Elle était jeune et n’avait pas encore assez confiance en elle pour affirmer pleinement son look. C’est l’une des premières fois où elle s’est lancée et cela fonctionnait très bien avec cette double image où elle se regarde dans le miroir et où nous, spectateurs, la découvrons à notre tour.

Première photo d’Amy coiffée avec sa choucroute. Exemplaire conservé à la National Portrait Gallery de Londres et au Magma à Finhan.

Quel est le meilleur souvenir à conserver d’Amy ?

Le cadeau qu’elle nous a laissé : sa musique. Lorsqu’elle chantait elle était elle-même, partageait quelque chose de très intime. Les paparazzis la traquaient en quête d’histoires débridées, mais elle livrait les éléments vraiment importants dans ses chansons. Une des choses les plus tristes, c’est que nous n’ayons pas pu la voir évoluer après ce second album et aller de l’avant. Je suis sûr qu’elle avait de nombreux titres à offrir mais elle n’a jamais eu l’espace suffisant pour s’y consacrer.

Tu lui rends hommage en avec le livre Back to Amy (2018) et l’exposition « Amy, avant Franck » au Magma.

C’est une présentation des photographies prises entre Londres et New York. Le livre est rempli d’anecdotes personnelles racontées par ceux qui la connaissaient vraiment bien. Je pense qu’il apporte des perspectives différentes sur Amy. Mon souhait c’était de projeter l’histoire de quelqu’un de magnifique, d’extraordinaire, en se focalisant sur son talent, l’incroyable personnalité qu’elle avait.

Exposition « Amy, avant Frank », à découvrir au Magma jusqu’au 1er octobre. Plus d’infos ici.

Le Piano Day s’invite aux Musicophages

Pour fêter la journée internationale du piano le lundi 29 mars, Les Musicophages vont transmettre en direct sur Facebook le concert donné par les talentueux compositeurs Iscle Datzira et Lorenzo Naccarato, diffusé gratuitement à partir de 19h30.

Pour l’amour du piano

Cette année, Les Musicophages célèbrent le Piano Day. Créé par le musicien, compositeur et producteur berlinois Nils Frahm en 2015, cet événement dédié aux amoureux du clavier se déroule le 29 mars, quatre-vingt-huitième jour de l’année, en référence au nombre de touches de l’instrument. L’envie de l’artiste allemand de consacrer une journée spéciale à son instrument de prédilection naît du désir de mettre en lumière tous ceux qui honorent le piano, qu’ils soient dilettantes ou professionnels : interprètes, compositeurs, fabricants, accordeurs ou auditeurs.

En 2014, il demande au fabricant David Klavins de concevoir pour lui « Una Corda », piano de moins de cent kilos doté de marteaux ne frappant qu’une corde au lieu de trois habituellement pour chaque note. Il n’est donc pas étonnant que le compositeur adepte d’expérimentations offre de la visibilité à la diversité des projets qui font résonner les mélodies du clavier dans le monde entier. Chaque année depuis la création du Piano Day, Nils Frahm concocte une playlist avec les titres de différents artistes, diffusée le jour même sur les plateformes de streaming musicales, avec des extraits inédits à la clef. En 2020, la sélection comprenait les morceaux de grands compositeurs tels que Max Richter, Ryūichi Sakamoto ou encore Ólafur Arnalds. Que nous réserve-t-il pour 2021 ?

En attendant son florilège de cette année, nous vous présentons d’ores et déjà les prestigieux artistes Lorenzo Naccarato et Iscle Datzira, qui ont tous deux suivi un acompagnement chez Les Musicophages et mènent désormais une carrière internationale. Ils se produiront dans nos locaux au 6, rue de la Bourse à Toulouse. Si le contexte actuel ne nous permet pas d’accueillir de public, qu’à cela ne tienne, le concert sera filmé et diffusé en direct sur Facebook, de 19h30 à 21h. L’événement est gratuit et vous pourrez y assister confortablement depuis votre canapé.

Le piano « préparé » de Lorenzo Naccarato

Le pianiste Lorenzo Naccarato s’empare du jazz actuel et des musiques répétitives pour créer des passerelles entre impressionnisme et minimalisme. Diplômé de musicologie en jazz et musiques improvisées, il poursuit sa formation auprès de jazzmen qui inspirent son jeu : Enrico Pieranunzi, Claude Tchamitchian ou encore Andy Emler. À Toulouse, il collabore avec la Cinémathèque où il participe à des ciné-concerts et réalise des « concert-dessinés » pour le festival littéraire Le Marathon des mots, où il rend hommage à Nina Simone ou Thelenious Monk.

Lorenzo Naccarato

Riche d’une expérience en solo et en trio, il fonde le Lorenzo Naccarato Trio en 2012 avec le contrebassiste Adrien Roguez et le batteur Benjamin Naud qu’il rencontre pendant ses études. Ensemble, ils façonnent des compositions influencées par le jazz de Robert Glasper et Christian Scott, la musique répétitive de Philip Glass ou encore le registre impressionniste de Debussy. Ils sortent leur premier album Lorenzo Naccarato Trio sur le label Laborie Jazz (Sébastien Farge, Diederik Wissels) en 2016. La réception du public est enthousiaste et donne lieu à une tournée internationale en Inde, Chine et Équateur. Leur deuxième album, Nova Rupta, voit le jour en novembre 2018.

Pour cette première édition du Piano Day organisée par Les Musicophages, Lorenzo Naccarato, explorateur de sonorités inédites, donnera une performance en solo avec son piano « préparé ». Ce concept popularisé par John Cage en 1937 consiste à modifier le son de l’instrument en installant dans les cordes du piano une variété infinie d’objets tels que des boulons, des vis, du tissu… C’est ce que l’on appelle la « préparation ». Cette technique chère à la musique contemporaine et improvisée éclaire la dimension artisanale du piano, instrument que l’on peut s’approprier d’une diversité de manières.

Piano préparé de Lorenzo Naccarato avec des bandes aimantées, des pinces à linge et un filtre à café

Vibrations improvisées avec Iscle Datzira

Natif de Barcelone, ce virtuose de la musique s’initie aux instruments à vent, saxophone, clarinette et piano alors qu’il n’a que sept ans. Adolescent, il commence à composer ses propres morceaux, nourri d’une vaste palette sonore qui s’étend du jazz aux musiques expérimentales. Après des études à l’institut artistique barcelonais Oriol Marterel où il est diplômé de saxophone et musique classique, il poursuit son cursus à l’école Music’ Halle de Toulouse et au Conservatoire d’Amsterdam. Quelques mois plus tard, il met fin à son parcours à l’université pour se consacrer à une recherche musicale plus personnelle autour des vibrations.

Iscle Datzira

En 2016, il représente l’Espagne lors du concours international de composition « Maurice Ravel » où il est finaliste. Membre de nombreux big bands lors de festivals comme Jazz In Marciac, il collabore avec des artistes de renom, à l’instar des Américains Jesse Davis et James Carter, qu’il accompagne sur scène ou en studio. À peine âgé de vingt-cinq ans, le saxophoniste multiplie les projets et a une discographie très fournie, signant sa participation sur quatorze opus. Pour son premier album solo Lyricism on 432Hz-Tuned Tenor Saxophone sorti chez Temps Records en 2018, il se prête à un exercice particulier en créant un son singulier en 432 Hertz qui rappelle l’accordage vintage de la première moitié du vingtième siècle. En 2020, il édite Turu, deuxième album solo où neuf morceaux se succèdent en douze minutes qui transportent l’auditeur au bord de la mer.

Pour le Piano Day des Musicophages, Iscle Datzira livrera une improvisation inédite, armé de son piano, saxophone et looper – machine qui permet de reproduire, arrêter ou démarrer une boucle. Cela offre au musicien la liberté de jouer et superposer d’autres notes aux sons enregistrés avec le looper.

Pour ne rien manquer du piano préparé de Lorenzo Naccarato et des improvisations entêtantes d’Iscle Datzira, rendez-vous le 29 mars à 19h30 sur le Facebook des Musicophages.

Site officiel du Piano Day

Site Officiel de Lorenzo Naccarato

Facebook d’Iscle Datzira

Toth est dit

Après une décennie marquée par la maladie de son ex-compagne, foudroyé par sa rupture, Alex Toth trompettiste averti, remonte difficilement la pente tout en multipliant les projets : hommage à David Bowie, formations punk, etc.

En juillet 2016, Alex Toth se remet d’un pied et cœur brisés, coincé dans son appartement au quatrième étage à Brooklyn avec plâtre et béquilles. Investi dans l’écriture et la composition, c’est là que le premier album de Tōth, « Practice Magic and Seek Professional Help When Necessary« , est né.

C’est une véritable renaissance car il en résulte un album dénué d’amertume et rempli de mélancolie ensoleillée. Toth a trouvé la force et l’inspiration nécessaire pour composer des harmonies chatoyantes rappelant les Beach Boys. Sa voix haut perchée et sa guitare folk agrémentées de ses envolées de solos de trompette et de violons confère à son lp une couleur pop époustouflante.


Que vous croyez ou pas à la psycho-magie de Jodorowsy ou à la méditation transcendantale, ce disque est un remède à toute crise existentielle. En attendant la sortie le 10 mai 2019 sur le label Figureith records et Northern Spy Records quelques titres sur les plateformes de streaming sont prescrits à dose homéopathique.

Il faut vivre avec FONTAN

Fontan sort son magnum opus “Le jazz acrylique“ sur ZE Records, mythique label qui a marqué au fer rouge les pionniers de l’underground new-yorkais : Suicide, Lydia Lunch, John Cale, etc.

L’underground tarnais ne regorge pas que de philistins goguenards déclamant des poèmes soulographiques. C’est dans une atmosphère de strict apartheid culturel, le Tarn, son bouge régulier que Fontan explose tout les préjugés des chroniqueurs parigo-centrés. De part ses origines contestées quoique probables où il puise son inspiration, Fontan fait du rock, pas celui devenu une étiquette garantissant l’allégeance à un simulacre de non conformisme mais celui qui révèle la forme toujours autre du feu qui nous habite.

Aucune allergie à l’écoute du jazz acrylique car c’est plutôt du rock soyeux cousu mains confectionné ici et qui nous électrise. De la haute couture puisque Fontan a le souci de la matière première : guitares et ampli vintage. Avec sa Gretch lui servant de catalyseur à riffs, Fontan exprime le puissant courant de sa fantaisie. Une production qui n’est pas dans le calibrage à tout prix ni dans les formats d’oppositions d’un quelconque art migraineux. Le grain lo-fi des fuzz, les silences fracassant et une voix de crooneur spectrale donnant le vertige sont les ingrédients parfaits pour ses compositions dream rock. Pour les anglophones, ses textes poétiques les plongeront dans un puissant maelström d’émotions pour s’échouer sur des rives inattendues.

L’Olympe du rock à ses dieux et Fontan patiente dans son antichambre. Fake News pas encore démentie : le disque serait un side project de Lou Reed avant transformer.

François LLORENS

C’est demain : La Jazz-Week #2 au TAQUIN

A une époque pas si lointaine, les caves de Toulouse bruissaient des accents du jazz, et les grands noms y tenaient régulièrement le haut de l’affiche.  Dans le circuit, il y avait le Mandala, aux Amidonniers, club mythique fermé il y a quelques années.  Depuis l’automne 2016, une équipe motivée – Dame : ils sont tous musiciens ! – a rénové les murs de fond en comble et soigné le confort musical pour tous : installation son de haute qualité, agencement des salles revu, bars et restauration pro et plus que sympa,  le nouveau club Le Taquin joue clairement dans la cour des grands.

La qualité de la programmation a rapidement permis de re-situer Le Taquin dans le circuit Jazz national et dans l’agenda des lieux qui font bouger la ville rose.  Figure jazz locale incontournable, le batteur TonTon_Salut a su contribuer à l’esprit du lieu rénové ; ses jams légendaires ne sont plus à présenter.

Le trio qu’il forme avec Julien Duthu (basse) et Laurent Fickelson (piano) a pris l’initiative d’une JAZZ WEEK qui – dans la grande tradition des clubs – invite des pointures à revisiter avec eux quelques standards des années ’50 et ’60  tels Lee Morgan et Freddie Hubbard, Wayne Shorter, Joe Henderson ou Jackie McLean, Herbie Hancock, McCoy Tyner, entre autres…  Mais attention, à la fois dans l’esprit « jam » et vu la personnalité des invités, l’affaire peut très bien démarrer « old school » et rapidement frôler les sorties de route.  Surchauffe garantie en tout cas, avec Hugo Lippi, Alex Tassel, Guillaume Naturel, Stéphane Belmondo, Pierrick Pédron.  Vous avez bien lu : on parle bien de la fine fleur du jazz.  A Toulouse et dans un club. Ça fait du bien de voir que l’esprit Jazz n’a pas quitté la ville.  Et que la fidélité, le dynamisme et des murs chaleureux vont nous assurer une belle semaine !  On s’y retrouve ?

JAZZ WEEK #2  Du 17 au 21 janvier 2018 au TAQUIN

En partenariat avec Les Pianophiles

Tous renseignements sur la programmation et la réservation : le-taquin.fr

RENCONTRES/MASTER CLASSES avec
HUGO LIPPI — « la guitare dans le jazz » jeudi 18 janvier
& ALEXANDRE TASSEL — « le musicien pluriel » vendredi 19 janvier

Au Taquin de 17h15 à 19h15 – entrée libre places limitées envoyer un mail avec votre nom, prénom, instrument et N° de tel à rencontres.jazzweek@gmail.com

Top 3 – 7 / 7

Walter Sextant
Pierre a l’esprit fin et l’écriture habile, comme la musique qu’il aime chroniquer pour notre webzine. Cette année nous lui avions donné la mission de nous faire découvrir de nouveaux talents au couleurs de Jazz et il a relevé le défi ! Nous le remercions ! Il nous a fait découvrir des artistes superbes comme Walter Sextant, on en redemande ! Voici son top 3.
REVERSO: SUITE RAVEL de Frank Woeste et Ryan KEBERLE
L’album à écouter sur Deezer : http://www.deezer.com/fr/album/45300591
NOVILUNIO de Maria Mazzotta et Redi Hasa
L’album à écouter sur Deezer : http://www.deezer.com/fr/album/50437302
SARAJEVO de Walter Sextant
http://waltersextant.com/

REVERSO–Suite Ravel : Debut album et Storytelling Jazz en jeux de miroirs

Reverso -Suite Ravel [PhonoArt oct.2017]

Peut-on, en musique, créer à partir de rien?  S’abstraire totalement des héritages et de l’air du temps et n’écouter que ses tripes ?  A ceux qui ont digéré la frustration de cette quête impossible s’ouvre la  voie royale de l’aventure et de l’innovation, une posture d’artisan inspiré, affranchi des académismes, et qui autorise mêmes toutes les rages, toutes les audaces.

Voici celle du projet jazz REVERSO et de son premier album Suite Ravel , par lequel l’innovation est questionnée au fil d’une traversée musicale en forme de jeu de miroirs entre l’œuvre d’un musicien des années ’30 : Maurice Ravel – l’homme au célèbre Boléro mais pas que ! – et ce qu’elle inspire dans leur langue jazz du 21e siècle aux leaders du projet REVERSO : Frank Woeste, pianiste d’origine allemande vivant en France,  et Ryan Keberle, tromboniste américain.

Sur la table, il y a Le Tombeau de Couperin, une œuvre composée entre 1914 et 1917 par Ravel sur le thème de l’amitié et en hommage aux compositeurs français du XVIIIe qu’il adorait.  Posé comme ça, d’accord, ça fait un peu vieux meuble!  Tssss…  Ravel, faut savoir, est un inventeur fertile, branché sur l’innovation en permanence, tous capteurs dehors, et pas que pour le style .  Ravel, faut savoir ça, fut un des premiers musiciens « classiques » à s’inspirer des développements harmoniques et du tout-puissant potentiel d’impro du Jazz.  En tournée au USA en 1928, il a pu dire :

Vous, les Américains, prenez le jazz trop à la légère. Vous semblez y voir une musique de peu de valeur, vulgaire, éphémère. Alors qu’à mes yeux, c’est lui qui donnera naissance à la musique nationale des États-Unis.

Juste retour des choses, c’est par la suite l’impressionnisme de Ravel qui influencera des pointures comme Miles Davis, Herbie Hancock, et bien d’autres.

Maurice RAVEL (1875 – 1937) [photo Boris Lipnitzki]
Faire du neuf avec du vieux, c’était le challenge de Ravel et ce sera celui du projet REVERSO.  Mais façon Haute-Couture, rénovation d’architecte, création de chef étoilé. Comme Ravel, Woeste et Keberle partent d’une forme ancienne : la suite baroque française, composée de six mouvements, pour la développer, la décliner, la conjuguer,  sublimer sa grammaire dans un storytelling labyrinthique et envoûtant.  C’est soyeux puis ça gronde.  On passe des volutes au beat entêtant.  Des fois on est perdus, tous sens brouillés comme au palais des glaces, puis le thème nous rattrape, à la sortie des rapides.  Ce truc est vivant !

Nous pensions qu’il était intéressant de voir comment Maurice Ravel parvenait à prendre quelque chose d’ancien et ensuite à créer, donnant cette musique incroyablement innovante et moderne, basée sur cette forme ancienne.  Voilà ! Nous avons essayé de faire la même chose.   (Ryan Keberle)

Pour restituer toutes les nuances de ces registres harmoniques dans un esprit de quatuor à cordes, Frank Woeste a voulu rapprocher les textures du trombone de Ryan avec celles du violoncelle de Vincent Courtois, misant sur l’amplitude chromatique de cet instrument chaleureux qui évoque tant la voix humaine.  Avec le batteur et percussionniste Jeff Ballard, Frank a trouvé un musicien ouvert aux explorations et garant d’une base rythmique qui est  l’interface essentielle pour un dialogue avec les compositions de Ravel.

Faire du neuf avec du vieux, c’est pas qu’une formule.  Les rappeurs les plus intègres reconnaissent avec émotion que leurs racines plongent dans le blues le plus pauvre, celui du Delta du Mississippi des années ’30, qui remontera ensuite vers Chicago en s’électrifiant.  Même pulsion, même urgence.

La Suite RaveI du projet REVERSO ne raconte pas autre chose : un voyage chaque fois réinventé.  Simplement ici, la suite Jazz est plus complexe qu’un blues ou qu’un son rap, plus sinueuse, mais pas grave : c’est le flux qui compte non ? Le trajet de la rivière en entier, ce qu’on traverse au pays des émotions, où elles nous mènent.

Une suite en musique, c’est peut-être la forme la plus adaptée pour accueillir une histoire.  Une belle histoire, bien fichue, en littérature, au cinéma, en peinture, c’est tout ce qu’on demande non ?  De Ravel à Reverso, toutes frontières abattues, c’est la grâce de l’invention qui emporte.  Et qui inspire, aujourd’hui comme hier.

line-up (sur la photo de g à d: Ryan KEBERLE, Vincent COURTOIS, Jeff BALLARD, Frank WOESTE

L’album est paru en octobre 2017.  Dispo aux formats cd et digital dans les circuits habituels.

frankwoeste.com

WALTER SEXTANT, la part qui échappe…

WALTER SEXTANT photo par William Laudinat

Album SARAJEVO (2017)

Et si on virait de la table les vieux clichés qui traînent, genre jazz-pour-intellos, rock-progressif-qui-se-la-pète et pourquoi pas musiques actuelles, ce grand fourre-tout ?!
Posez-y donc cette galette, SARAJEVO, 2ème album du jeune groupe Toulousain emmené par Rémi Savignat, qui signe également les compositions.
Avis aux colleurs d’étiquettes : laissez tomber… Flairez plutôt. Lentement. Prenez ça pour l’exploration sensorielle qui définira le mieux l’idée de liberté que vous associez à la musique. Si on arrive là, le plus dur est fait, car pour la suite, avec l’alchimiste Walter Sextant aux manettes, il suffit de se laisser prendre l’imaginaire par les oreilles, et de glisser tout shuss dans l’univers puissamment narratif développé dans chaque titre et tout au long de l’album.
Sur la trame d’un power trio guitare-basse-batterie qui signe un héritage rock ’70 sublimé par sa fidèle Stratocaster, Rémi Savignat est allé métisser les couleurs et les textures d’une section cuivre à haut potentiel d’animation, aussi inventive qu’un feu follet pour tantôt fasciner, tantôt mettre le bazar, et bien sûr signer les évocations cinématographiques irrésistibles déroulées par exemple dans le morceau-titre Sarajevo. S’y ajoutent quelques nappes et effets-machines infusés du hip-hop parce que – bon sang – ces petits gars sont de leur époque !
Sur les propositions de Rémi, les musiciens ont harmonisé une créativité toute personnelle, fusionnée dans un bel esprit de band. C’est le même plaisir, exploratoire et décomplexé, qui ravit à l’écoute. C’est la part qui échappe au compositeur, qui échappe à l’auditeur écoutant, et – comme d’un rêve – dont on a tellement à apprendre.

On peut se faire une idée avec ce titre raconteur SARAJEVO, qui enchaîne puissances atmosphériques, fracas, et montées aux cieux ! Amen

Sur le site, plein de choses à lire, à écouter, ainsi que l’agenda des concerts. http://waltersextant.com/

Prochaines dates pour WALTER SEXTANT à Toulouse : ce vendredi 20 octobre à La Candela (St Cyprien) et le 25 novembre au Taquin (Les Amidonniers).