Qui est Amy Winehouse avant la gloire ?

« Ces photos peuvent changer la perception que les gens ont d’Amy »

En une poignée de tubes, Amy Winehouse devient la coqueluche de la soul et inspire les artistes les plus influents (Lady Gaga, Jean-Paul Gaultier). Sa voix de contralto hors du commun, ses chansons mélancoliques aux textes teintés d’ironie lucide séduisent des générations d’auditeurs. Pourtant, l’histoire n’a souvent retenu que sa fin tragique survenue le 23 juillet 2011, alors qu’elle n’a que vingt-sept ans.

Le photographe en herbe Charles Moriarty, tout juste expatrié d’Irlande, rencontre la chanteuse à Londres en 2003 alors qu’elle a dix-neuf ans. Partageant les mêmes goûts pour la vie nocturne, l’esthétique vintage et le pop art, ils deviennent amis. Il tire le portrait d’Amy pour illustrer la pochette de son premier album Frank, dont on célèbre les vingt ans cette année. Ce cliché fait partie d’une collection d’instantanés pris entre Londres et New York où se révèle une Amy Winehouse enjouée et solaire, qui a déjà tout d’une icône. Exposées pour la première fois, ces photographies sont dévoilées au Magma à Finhan jusqu’au 1er octobre. Entretien nostalgie avec Charles Moriarty, qui brosse le portrait d’une artiste à l’aube de la consécration.

Charles Moriarty

Lors de votre première rencontre, que penses-tu d’Amy ?

Je ne sais rien d’elle. Je n’ai jamais entendu sa musique. Elle vient dans mon appartement de Spitalfields, dans l’est de Londres. Elle s’assied à la table de ma cuisine et nous parlons. Nous partageons nos points communs, des parents divorcés. À mes yeux, c’était juste une fille normale de dix-neuf ans. Elle ne se comportait pas du tout comme quelqu’un qui aurait voulu devenir une pop-star. Elle était elle-même : très amusante. Elle aimait rire. Nous sommes entrés en connexion très rapidement.

Qu’attendait-elle de ces séances photos ?

Elle voulait que les photos reflètent sa personnalité, qui elle était en tant que personne. Pas la mise en scène orchestrée d’un tableau de studio. Je n’étais pas encore un photographe accompli et ne savais pas comment j’allais m’y prendre. Nous sommes descendus dans la rue et je me demandais : « va-t-elle te laisser la voir ? » Je devais prendre une certaine distance pour qu’elle se sente en confiance et soit elle-même. Une fois que c’est arrivé, c’était vraiment facile. Elle savait que je n’étais pas engagé par quelqu’un pour faire ces photos, c’était elle qui avait le contrôle.

Que s’est-il passé après le shooting à Londres ?

J’ai développé et donné les photos à Amy. Deux semaines plus tard, son manager Nick Shymanski m’appelle et me dit qu’ils aimeraient en utiliser une pour la pochette de Frank. J’étais heureux et très surpris. Je n’attendais rien de ce shooting. Ça n’était pas un job, seulement une faveur accordée à un ami qui voulait que je prenne des photos. Elles n’étaient même pas censées être utilisées ! C’était pour donner un exemple de ce qu’Amy voulait pour son album, mais je ne pensais pas que ça serait un de mes portraits qui l’illustrerait.

Pochette de l’album Frank.

Vous avez ensuite pris d’autres photos à New-York.

C’est Nick Shymanski qui nous l’a demandé. Nous voulions réaliser le shooting à Camden mais à cause de nos emplois du temps respectifs, nous n’avons pas pu. Nous étions tous les deux à New-York pour vingt-quatre heures. Tout semblait mal programmé mais on s’est tellement amusés que le résultat s’en ressent sur les photos, pourtant à l’époque je les détestais ! Je n’avais pas encore l’œil d’un photographe aguerri. Je ne percevais pas ce qu’il y avait en elles et je ne les ai pas regardées pendant plus de dix ans.

Quand as-tu commencé à les apprécier ?

Trois ou quatre ans après la mort d’Amy. J’ai appris à voir ce qu’elles recelaient de positif, que ces photos peuvent changer la perception qu’ont les gens d’elle. Je veux qu’ils voient la fille que j’ai vue, la personne que j’aimais, très différente de celle que les tabloïds dépeignaient. J’ai toujours essayé de nuancer son histoire pour que les gens comprennent qu’il y a une personne réelle derrière. L’Amy que l’on voit sur les photos est une fille de dix-neuf ans très intelligente, une musicienne de talent. La capacité de sa musique à exprimer des choses stupéfiantes, son habileté à écrire et interpréter des chansons en live avec une telle émotion, peu de gens seraient capable d’en faire autant. Et c’était original ! Elle emploie un langage habile, un vocabulaire inattendu. Je pense que sa musique marquera les esprits longtemps, parce qu’elle est unique.

Avec son goût pour la musique des années 50 et 60, elle s’inscrivait à contre-courant des genres musicaux en vogue au début des années 2000.

Oui, Amy détestait beaucoup d’artistes. Elle n’aimait pas Dido. Il y avait un format préfabriqué pour les artistes féminines qui jouaient en solo à ce moment-là et représentaient une tendance pour les labels, avec Joss Stone, Katie Melua. Amy ne voulait pas y prendre part. Elle a essayé de déterminer ses propres règles.

Amy à New York, pastiche de la Venus de Titien.

Sur un cliché new-yorkais, elle est allongée sur un sofa comme la Vénus de Titien.

C’est un pastiche. Ce que j’adore dans cette photo, c’est qu’elle porte une jupe crayon avec des motifs reproduits d’un tableau de Roy Lichtenstein. Les couleurs de ses vêtements répondent aux coloris du portrait : son haut jaune est identique au jaune de Lichteinstein, les tons verts de sa jupe aux coussins du sofa et à la peinture affichée derrière elle. Tu te retrouves avec cette scène où tout est miraculeusement assorti. Amy adorait le pop-art, elle comprenait ces références. C’était une grande fan de l’histoire américaine du vingtième siècle, surtout des années 50 et 60. Ensemble, on regardait des films avec Paul Newman. Elle adorait Sex and the city où elle piochait des inspirations pour son style, étant une grande fan de la styliste de la série, Patricia Field.

On perçoit cette attention dans le portrait intimiste où Amy se maquille devant son miroir.

Oui, elle nous raconte quelque chose. J’ai essayé de créer une narration autour de cette fille qui se met du rouge à lèvres et s’apprête à sortir. Soudain, elle relève ses cheveux en choucroute, ce qu’elle ne faisait pas encore à cette époque. Cette photo entraîne de la confusion chez ceux qui la regardent. Ils tombent dans le piège et croient qu’elle date de Back to Black, mais Amy n’a que dix-neuf ans. En creux, il y a l’idée de ce à quoi elle veut ressembler. Elle était jeune et n’avait pas encore assez confiance en elle pour affirmer pleinement son look. C’est l’une des premières fois où elle s’est lancée et cela fonctionnait très bien avec cette double image où elle se regarde dans le miroir et où nous, spectateurs, la découvrons à notre tour.

Première photo d’Amy coiffée avec sa choucroute. Exemplaire conservé à la National Portrait Gallery de Londres et au Magma à Finhan.

Quel est le meilleur souvenir à conserver d’Amy ?

Le cadeau qu’elle nous a laissé : sa musique. Lorsqu’elle chantait elle était elle-même, partageait quelque chose de très intime. Les paparazzis la traquaient en quête d’histoires débridées, mais elle livrait les éléments vraiment importants dans ses chansons. Une des choses les plus tristes, c’est que nous n’ayons pas pu la voir évoluer après ce second album et aller de l’avant. Je suis sûr qu’elle avait de nombreux titres à offrir mais elle n’a jamais eu l’espace suffisant pour s’y consacrer.

Tu lui rends hommage en avec le livre Back to Amy (2018) et l’exposition « Amy, avant Franck » au Magma.

C’est une présentation des photographies prises entre Londres et New York. Le livre est rempli d’anecdotes personnelles racontées par ceux qui la connaissaient vraiment bien. Je pense qu’il apporte des perspectives différentes sur Amy. Mon souhait c’était de projeter l’histoire de quelqu’un de magnifique, d’extraordinaire, en se focalisant sur son talent, l’incroyable personnalité qu’elle avait.

Exposition « Amy, avant Frank », à découvrir au Magma jusqu’au 1er octobre. Plus d’infos ici.

JD Beauvallet et l’art de l’interview (1/3)

« Une interview, c’est essayer de rentrer dans la tête des gens »

On ne présente plus JD Beauvallet, pilier des Inrockuptibles dont il est resté rédacteur en chef musique pendant plus de trente ans. À l’occasion de sa venue à Toulouse pour le Disquaire Day, il nous a accordé une foisonnante interview publiée sur notre site en trois volets.

Expatrié en Angleterre dans les années 80, JD est aux premières loges des déferlantes sonores qui embrasent le pays (madchester, britpop, trip-hop) et s’empresse d’en conter les éclats dans le magazine à l’affût d’œuvres audacieuses. De sa plume sensible et incisive, il décrypte les travers de l’âme et de la société contenus dans une chanson, et documente les scènes musicales à coups de punchlines poétiques lucides. Louée pour ses entretiens-fleuves, sa signature unique fait le bonheur de générations de lecteurs et des plus grands musiciens qui se sont confiés à lui, de David Bowie à Lana Del Rey. Rencontre avec le maestro des Inrocks pour une prodigieuse leçon de journalisme.

Ton nouveau livre, Interviews, est un florilège de tes entretiens publiés dans Les Inrocks avec David Bowie, Björk, AC/DC… Comment est née cette envie ?

Mon fils, passionné de musique, n’arrêtait pas de me demander quels artistes j’avais interviewés. J’ai fait ce livre pour partager ces entretiens avec les jeunes générations qui n’ont pas connu Les Inrocks. Je dormais sur une archive qu’il était important de conserver : des centaines d’interviews avec des artistes rares, au début de leur carrière, qui se livrent en profondeur. Je trouvais ça dommage que ça soit perdu, oublié avec le papier. Beaucoup d’entretiens ont disparu, avaient besoin d’être retravaillés ou retraduits. Avec Romain (ndlr : Lejeune, fondateur des éditions Braquage et ancien collaborateur des Inrocks) on est tellement contents du résultat qu’on songe déjà à un deuxième volume ! Le but du jeu, c’était de créer ses propres archives.

L’interview est ton exercice fétiche. Quel est son supplément d’âme ?

C’est la construction savante de tous les chemins détournés pour atteindre un but précis : comprendre pourquoi un fan de musique brûle les ponts pour devenir artiste. Je recherche la cassure qui les pousse au sacrifice. Tous ne sont pas devenus David Bowie, mais je trouve ça admirable. Il y a un moment dans l’interview où on rentre en transe. Il n’y a plus de micro, plus d’environnement, seulement deux personnes qui se parlent. Il faut apprivoiser l’artiste, le rassurer pour l’amener là où on veut. Ce sont des moments de grâce absolue. Des tas de fois, j’ai eu des frissons en interviewant des gens et je me suis dit « voilà, je suis dans le cœur du réacteur. »

Comment procèdes-tu ?

Je fais attention à les guider de manière délicate. Si on abat les cartes trop tôt, la personne se braque et c’est fini. Je me souviens d’un rencontre avec Nathalie Merchant de 10 000 Maniacs où j’avais emmené une stagiaire pour lui montrer ce qu’était une interview. On l’avait préparée ensemble. Je lui disais : « si je pose cette question, elle me donnera une réponse dans cette veine-là, je pourrai rebondir sur tel sujet. » Et ça s’est passé exactement comme ça, elle n’en revenait pas ! Une interview c’est essayer de rentrer dans la tête des gens et s’y trouver une petite place.

Quelles sont les limites d’une interview ?

Il ne faut pas trop pénétrer dans l’intimité des personnes, les blesser. Je ne suis pas un voyeur. J’ai des gardes-fous : quand je pose une question très personnelle à un artiste, je lui dis qu’il n’est pas obligé de répondre. S’il le fait quand même, je demande son accord avant d’utiliser ce qu’il m’a dit. Des fois ça dérape et on va trop loin, comme avec Cat Power. Je lui ai posé des questions sur sa mère et elle s’est mise à se rouler par terre, prendre des chaises et les taper du poing. Elle était en larmes, hurlait, je lui ai proposé d’arrêter l’interview. Elle m’a dit « non, tu m’as amenée là, tu m’en sors. » Ça a été très difficile. Je me suis rendu compte que j’avais joué aux apprentis sorciers. Ce n’est pas mon métier de faire ce genre d’analyses, il y a des moyens plus médicaux de le faire.

Pourtant, dans Passeur, tu fais des analogies entre interview et psychiatrie. L’entretien serait un moyen contourné de faire une psychanalyse sans avoir à la payer.

C’est très net pour les artistes américains qui ont l’habitude des psychanalyses et de répondre à des questions intimes. Les Anglais sont plus difficiles à percer, surtout ceux du Nord ! Ils ne doivent jamais montrer leur émotions et sont dans une représentation lads, macho. Faire chialer les Happy Mondays c’est un bel exploit parce qu’ils ne sont pas habitués à parler d’eux, à exprimer leur sensibilité. Ils sont plutôt dans la vanne, l’exagération de leur masculinité. Quand on arrive à percer cette cuirasse, c’est impressionnant. On sent qu’on est leur premier confident. Plusieurs fois, je suis sorti d’une interview en réalisant qu’un artiste avait partagé avec moi quelque chose qu’il n’avait jamais formulé ni osé dire, parfois depuis l’enfance. On est sur une terra incognita. C’est fascinant. Comment vivent-ils avec un tel poids sur les épaules, sans chercher à le percer ? Qu’ils s’en libèrent un peu, à l’occasion d’une interview, ça doit être cathartique.

Happy Mondays

Comment as-tu développé cette « poétique » de l’interview, si singulière ?

Le lien s’est fait parce que j’ai grandi dans un hôpital psychiatrique. Gamin, j’étais nerveux, très émotif. J’étais suivi par des psys et la naïveté de leurs questions me surprenait. Je répondais ce qu’ils avaient envie d’entendre. C’était un jeu tellement facile. Je suis de nature très timide. Il y a des questions que je ne poserais jamais à mon meilleur ami, mais avec un micro, je peux tout oser. Quand je demande à Nick Cave s’il va à la pêche ou s’il porte un jogging, c’est absurde (rires). Et en même temps ça peut donner un résultat intéressant parce que c’est déstabilisant. Oui, Nick Cave porte un jogging chez lui des fois (rires).

Tu affectionnes les entretiens-fleuves, qui ont fait la renommée des Inrocks. Dès le début, le long format s’est-il imposé comme une évidence ?

Non, pas du tout. L’écriture est venue très tard. On m’a tellement dit que j’étais nul partout, que je n’avais pas fait l’effort d’essayer d’écrire. Quand j’ai fait une école de journalisme, je me destinais à la radio, pas à l’écriture. Je trouvais ça laborieux, ingrat… Et j’ai commencé à faire des fanzines. Je me suis rendu compte que ça n’était pas si compliqué mais pour être honnête, quand je relis les quinze premiers numéros des Inrocks, je n’ai pas encore trouvé mon style, « ma petite musique » comme disait Céline.

Et comment l’as-tu trouvée ?

C’est difficile d’écrire sur la musique. Le vocabulaire est assez étroit et il ne faut pas tomber dans la métaphore systématique. J’ai trouvé un moyen détourné pour sortir de cette impasse : raconter des choses très personnelles sans jamais utiliser le « je ». Je me sentais à l’aise, je savais que ça m’appartenait, que ça n’était pas seulement un exercice de style. Ce qui m’a décomplexé c’est qu’il n’y a pas de code officiel. Je peux écrire qu’un groupe qui n’a sorti qu’un single est plus important que les Beatles pour moi. Chacun a le droit d’exprimer ses opinions et quand on avait des jeunes stagiaires aux Inrocks je les encourageais à développer leur avis – qui compte autant que quelqu’un qui a écrit des encyclopédies sur le rock.

Ton premier livre, Passeur (2021), se lit comme une leçon de journalisme à contre-courant. Quel conseil donnerais-tu aux jeunes journalistes musicaux ?

Le plus important c’est la curiosité. Mon plus grand conseil, c’est de s’intéresser à tout. Développer son propre sillon. Creuser tout le temps. Tous les samedis matin, je me pose cette question « qu’est-ce que j’ai appris cette semaine ? »

Ne manquez pas la suite de notre interview avec JD Beauvallet, où il nous parle de sa passion pour la transmission et de sa trajectoire au sein des Inrockuptibles.

D’un zine à l’autre – L’ interview Dead Groll

« Le fanzine, c’est le magazine que tu te passes sous le manteau, une alternative à la presse officielle. »

Les Musicophages inaugurent une nouvelle rubrique dédiée à l’actualité des fanzines. Plongez au cœur d’une série d’entretiens avec les passionnants créateurs de ces publications papiers artistiques, libres et loufoques… Pour cette première entrevue, nous avons donné rendez-vous à Éléonore Rochas, qui a créé le fanzine Dead Groll, consacré au punk et au garage. Interview certifiée sans langue de bois !

Peux-tu te présenter et nous dévoiler l’histoire de ton fanzine Dead Groll ? Comment as-tu eu l’idée de le créer ?

Je traîne mes savates dans le milieu musical depuis que j’ai 14 ans, à Périgueux, où j’ai assisté à mes premiers concerts et monté mon premier groupe avec des copains. On avait créé un petit fanzine avec Anthony (Blank Slate, Snappy Days) et Delphine (activiste de la scène punk rock bordelaise aujourd’hui). Il s’appelait Kids Of The Black Hole, en référence à la chanson de The Adolescents. On n’a fait qu’un seul numéro, mais cette expérience m’a plu alors j’ai voulu faire mon propre zine, Dead Groll. Je suis partie neuf ans à Toulouse où j’ai continué le fanzine à une fréquence variable. Et me voilà de retour à Périgueux, où je viens d’être embauchée à la salle de concert, le Sans Réserve.

Kids Of The Black Hole, le premier fanzine d’Éléonore

Le nom Dead Groll est un clin d’oeil aux chaussures usées pendant les concerts. Sur la couverture tu décris le fanzine comme un « primitif punk zine »… De quoi s’agit-il ?

Le « primitif punk zine » c’était une accroche du superbe Didier Progéas (dessinateur-punk-rockeur toulousain), qui est à l’origine des quatre premières couvertures. J’ai aimé, j’ai gardé. Quand au titre, Dead Groll fait référence à Dave Grohl, le batteur de Nirvana, qui joue maintenant dans le groupe dont je ne suis franchement pas fan, d’où le “Dead Grohl”. Et le changement de “Ghrol” en “Groll » est en clin d’œil aux pompes défoncées, aux converses usées, aux Doc Marten’s délavées.

Dans les premiers numéros, tu t’occupes de la majeure partie de la rédaction et de la réalisation du fanzine, mais peu à peu, de nouveaux collaborateurs apparaissent, une évolution se dessine. Qui sont-ils et comment fonctionnez-vous ?

Pour les huit premiers numéros, je m’occupais du sommaire et de la ligne éditoriale (si tu me permets d’utiliser ce terme carrément pompeux), des articles et de la mise en page, puis je demandais aux personnes intéressées dans mon entourage d’écrire un papier. C’est pour ça qu’à chaque numéro, des contributeurs différents ont répondu à l’appel. En revanche, Hervé Labyre, de Périgueux, écrit pour le fanzine depuis le début et je l’en remercie, il m’a pas mal soutenue ! Pour le dernier numéro, ça a été totalement différent car j’ai laissé les “chroniqueurs/auteurs” choisir leur article. Une sorte de carte blanche. De belles plumes du rock’n’roll se sont prêtées au jeu. Un gros merci à Alain Feydri, Patrick Foulhoux, Marc Sastre, Nicolas Mesplède, Joël Calatayud, Jeff de la maison d’édition les Fondeurs de briques, Pierre-Jean, Bog Mallow, Jack Breton, Dom Génot, Stéph des Jazz Goules et j’en passe… Ils ont bien soutenu le bouzin et sont chauds pour continuer… ça y est, je crois que j’tiens une belle équipe !

Tu as créé Dead Groll en 2015, et 9 numéros ont été publiés depuis. Le modèle a évolué entre le numéro 8 et le numéro 9, puisqu’il est passé d’un format A5 à un format A4 bien plus épais. Quelles sont les différentes étapes de réalisation du fanzine ?

Ce changement a eu lieu pendant le confinement. Plus de temps, plus de choses à dire, l’envie de faire autre chose. C’était l’occasion de relancer le fanzine, lui donner un nouveau souffle car le dernier numéro datait de trois ans déjà. Branchée sur fréquence zéro, je ne me suis jamais imposée de contrainte quant à la parution du zine.

J’ai envoyé un mail aux personnes succeptibles de participer et au fur et à mesure que je recevais les articles, je les mettais en page sur Indesign. Il y a eu plusieurs relectures et corrections. Le travail de collecte des articles et de relecture a pris environ un mois et demi. Un énorme merci d’ailleurs à Nico qui a écrit pléthore d’articles dans ce numéro et qui a relu le fanzine de nombreuses fois et de A à Z (contrairement à moi qui n’ait pas cette patience et minutie).

Pour ce numéro 9, on a expérimenté une nouvelle forme : mettre une première version du Dead Groll en libre accès sur Internet, avec des liens sur les photos sur lesquels tu peux cliquer. Quand on lit un fanzine, on n’a pas forcément l’ordinateur à côté et on ne pense pas toujours à aller écouter les groupes ensuite. Avec cette version c’est plus pratique, on peut survoler les pages et cliquer sur les cases qui permettent de faire des découvertes. On a eu là-dessus de nombreux retours positifs. Dans un second temps, la version papier qui coûte cinq euros est arrivée. C’est plutôt cool de donner un aperçu du contenu du fanzine en ligne et si ça plait, de pouvoir le commander ou de l’acheter (parce que, ouais, c’est carrément super chiant de lire un fanzine sur un écran).

As-tu envie de poursuivre avec ce format-là ou as-tu envie de revenir à l’ancien, plus old-school ?

Les huit premiers numéros étaient en format A5, des petits formats de poche. Le numéro 9 est passé en A4. C’était un peu aussi un clin d’œil à Dig It!, ce dernier numéro étant d’ailleurs dédié à Gildas Cospérec, son fondateur. Je pense que cette formule-là marche mieux : on gagne en crédibilité. Le fanzine passe peut-être moins inaperçu. Pour la suite, je pense conserver ce format. Mais j’aime aussi le côté poche, en noir et blanc, fait à “l’arrach’ avec des fautes dedans”. J’aimerais bien en faire un autre… plus PUNK ! Oh mais ça tombe bien un nouveau con-finement nous tombe sur la gueule… ça va peut-être être l’occasion. Il pourrait s’appeler “Muselière” (haha).

À combien d’exemplaires ce numéro a-t-il été tiré, et où le distribues-tu ?
Je commence avec 50 exemplaires, et j’en réimprime au besoin. Il ne faut pas se leurrer, même si les gens adhèrent au projet, ça ne veut pas dire pour autant qu’ils vont aller se le procurer. Il n’y a pas grand monde qui achète des fanzines aujourd’hui, et même les groupes qui sont interviewés ne se donnent pas toujours la peine de les chopper. À Toulouse, j’ai distribué Dead Groll chez les principaux disquaires : Armadillo, Vicious Circle, Croc’Vinyl et au Laboratoire. Je l’ai laissé à La Démothèque à Périgueux car, j’y tiens, c’est un fanzine périgo-toulousain : mes deux villes Rock’n’Roll !

Les interviews et les articles ont parfois un langage oral marqué, très punk, sans langue de bois. Est-ce qu’on peut y voir une volonté de transcrire une parole que même la presse musicale spécialisée ne révèle pas ?

Le fanzine prends le contre-pied du magazine type Rock’n’Folk ou autres Rolling Stones. Il n’y a pas de censeur, ses pages ne sont pas réservé à une “élite”. Le fanzine, c’est le magazine que tu te passes sous le manteau, c’est une alternative à la presse officielle. Avec un fanzine tu peux tout dire, dans le fond et la forme. Des fanzines écrits tout à la main, d’autres en collage, en dessin, en poésie… Il existe un éventail tellement large de superbes choses qui se font de part le monde… Le fanzine c’est la liberté !

Tu attaches une importance centrale aux scènes indépendantes locales, et tu n’hésites pas à te déplacer dans la région. Est-ce que ces rencontres ont fait évoluer ton regard sur ces structures vitales pour la musique indépendante ? Qu’as-tu appris à leur contact ?

Énormément de choses! J’ai commencé à fréquenter la scène punk-rock, assez jeune, à Périgueux avec des gens plus âgés, donc j’étais entourée de mentors ! Le constat ? Un putain de vivier de groupes et beaucoup d’initiatives rock’n’roll. Et tout ce tissu associatif ayant comme fil rouge le “Do It Yourself” : une culture alternative menée de front par de beaux personnages locaux et passionnées jusqu’en dessous des ongles… Les fanzines, les cafés-concerts, les répétitions dans les garages, les premiers concerts, et tous “ces grands” qui impressionnent ! C’était juste tellement géant pour être nommé. Franchement, quelle plus belle ligne de vie ? Organiser des concerts et faire jouer des groupes inconnus au bataillon, mais dont tu es archi-fan, (en se débrouillant sans aucune aide financière, sans faire aucun profit voire en étant même le plus souvent à perte, si ce n’est “toujours”) pour faire bander entre 3 et 50 personnes… c’est magique. La culture underground me fascine beaucoup. Tout le monde devrait pouvoir au moins une (putain de) fois dans sa vie mener une réflexion sur “l’indépendance”. C’est un si beau concept, mais qui peine tellement à (re)trouver sa place dans la société actuelle.

Tu as interviewé un certain nombre de groupes cultes. Quelle est la rencontre qui t’as le plus marquée dans le fanzinat, et pourquoi ?

J’ai envie de répondre que ce sont tous les groupes des deux premiers numéros qui m’ont marquée parce que c’était les premières interviews et que je prenais ces rencontres très à cœur. J’enregistrais les zicos sur mon téléphone et on discutait pendant longtemps, en buvant des bières. C’était Rock’n’Roll. La retranscription qui s’ensuivait était bien plus laborieuse, mais ces moments restent intacts. Pour citer une des rencontres qui m’a vraiment marquée , sans hésiter : THE ADICTS, un de mes groupes punk-rock favoris de la fin des années 70. C’était après leur concert au Divan du monde à Paris en 2015, 2016 peut-être ? Je sais plus. Mais c’était de la folie.

THE ADICTS : une rencontre marquante….

Ce numéro 9 rend hommage à Gildas Cospérec qui a créé le fanzine Dig It!. L’édito écrit par Alain Feydri lui est consacré. Quelle a été son influence sur ton fanzine ?

C’est un homme que j’admire énormément et que j’appréciais beaucoup. Gildas, c’était le mentor de beaucoup de toulousains. Je me souviens qu’il m’avait interviewée pour la sortie d’un numéro de Dead Groll il y a cinq ou six ans. Il a toujours été très encourageant pour la relève, touché par les nouvelles initiatives. Dès que les jeunes rockeuses et rockeurs organisaient des concerts (au Ravelin, le plus souvent, the best place ever in Toulouse) il diffusait toutes les infos, en parlait à la radio, et faisait le taf de promo bien comme il faut. C’était un activiste impressionnant, une référence dans la scène rock-garage internationale, un altruiste, une âme bienveillante.

Qui a réalisé le graphisme très flashy de la couverture du numéro 9 ?

Ma pomme. Quelqu’un d’autre devait la réaliser, mais ça n’a pas pu se faire, alors je m’en suis occupée. J’ai dessiné, peint et photographié, avant d’utiliser un logiciel pour retoucher les contrastes, un peu à la Do it yourself quoi ! C’est pas très académique, mais je sais pas trop faire autrement. Photoshop ? J’essaie mais j’oublie instantanément. Les ratures, les débordements sont visibles. Ce n’est pas propre. Et tant mieux !

Couverture de DEAD GROLL #09 réalisée par Éléonore

On peut lire certains articles mentionnant le confinement. Est-ce que cette période t’a donné des impulsions d’écriture pour Dead Groll ? Des textes poétiques ont fait leur apparition dans ce dernier numéro…

Tout à fait, et j’aimerais que chaque nouveau numéro ait son lot de nouveautés. Dans le prochain Dead Groll, il y aura la suite du “Mâle”, le poème de Marc Sastre, qui est en deux parties. J’aimerais créer une rubrique cinéma, des encarts décalés. Un pote fait de la BD aussi… Pourquoi pas de petites histoires complètement barrées ? L’idée est toujours la même : féderer les savoir-faire de chacun pour faire un. Je n’ai plus envie que Dead Groll ne se résume qu’au rock’n’roll. Je ne veux pas d’un fanzine trop genré ou élitiste. Dans le numéro 9, il y a un article sur une chanteuse soul, et je veux pouvoir continuer cette ouverture sur d’autres esthétiques…

Que peut-on te souhaiter de meilleur pour l’avenir ? Qu’as-tu envie de dire aux lecteurs de cet article ?

Que Dead Groll déploie ses ailes aux quatre coins de la terre… (rire). Que le fanzine prenne un peu plus d’ampleur, qu’il acquière une micro renommée et qu’il puisse un jour être distribué au niveau national , dans le réseau des disquaires indés. Ça serait top !

Retrouvez toute l’actualité de Dead Groll ici et !

À l’Est, il y a du nouveau (une introduction à la scène musicale tchèque)

Episode 2 : Amelie Siba

Je suivais les aventures musicales d’Amelie Siba depuis quelques mois déjà quand j’ai eu l’occasion de la rencontrer. Arrivée à Prague le rendez-vous est pris, un mercredi après-midi…et à vrai dire je ne sais pas trop à quoi m’attendre. Le projet est très jeune (tout comme la personne qui le porte d’ailleurs, le jour et l’heure de la rencontre ne sont pas anodins..) mais malgré cela, en moins de deux ans, l’artiste a réussi à sortir déjà pas mal de morceaux et surtout un album, paru il y a quelques mois. Bref, cette histoire a l’air intéressante et je suis curieuse d’en apprendre plus sur cette musicienne en herbe.

Je retrouve donc Amelie dans un café du quartier de Letná et, rapidement, nous commençons à parler de ses influences. La jeune femme explique que ces dernières varient beaucoup mais gardent tout de même une base constituée de bedroom-pop et de musiques telles que celles de Slowdive et Mazzy Star. D’ailleurs la chanteuse de ce dernier groupe, Hope Sandoval, « est vraiment impressionnante, c’est quelqu’un qui m’inspire beaucoup » déclare Amelie Siba.

Bon, les influences, c’est fait et si la réponse est plutôt classe elle est loin d’être inattendue pour toute personne ayant un minimum écouté les morceaux d’Amelie Siba. Non, ce qui m’intrigue le plus avec cette musicienne c’est de voir à quel point elle a déjà créé et sorti autant de morceaux et autres opus en deux ans à peine. Lorsque je lui expose ma pensée, la chanteuse me répond humblement qu’elle a simplement rencontré des personnes – quand ces dernières n’étaient pas déjà à ses côtés avant le début de cette aventure – qui lui ont permis de développer son projet…m’est avis que cette artiste a surtout su, avec une certaine maturité, s’entourer des bonnes personnes, ce qui paraît bien prometteur pour la suite.

Dye My Hair – Amelie Siba

Cependant, Amelie n’en reste pas moins une adolescente et, malgré tout, cela se ressent dans les paroles de ses chansons. En effet, la plupart de ses morceaux, même si cela évolue au fil du temps, tournent essentiellement autour du sujet de l’amour. La chanteuse sourit quand je lui demande les raisons de cet intérêt particulier : « Pour être honnête, je me suis également posé la question et à un moment j’ai même essayé, en quelque sorte, de modifier cela mais je n’ai pas vraiment réussi…je crois que c’est un sujet qui travaille beaucoup les gens de mon âge (elle a 17 ans, ndlr) donc, au final, ça ne me dérange plus pour le moment. »

Lorsque je lui demande quels groupes et salles de Prague aller voir, la jeune femme hésite et finit par parler d’endroits tels que la Meet Factory, le Vagon Music Pub & Club et Underdogs ainsi que les groupes Dukla, Branko’s Bridge et Purplefox Town.

En parallèle de sa vie de lycéenne, Amelie Siba a sorti son premier album Dye my hair (voir vidéo ci-dessus) en mai dernier, un opus en dix morceaux où l’alliance guitare-voix nous emmène dans l’univers sensible et doux de la jeune Tchèque.

A suivre donc.. !

Retrouvez Amelie Siba sur Facebook et Instagram !

Photo ©Katerina Guić

A l’Est, il y a du nouveau (une introduction à la scène musicale tchèque)

Episode 1 : Market

Le hasard des rencontres et des voyages m’a amené à faire plusieurs séjours à Prague ces dernières années. J’y ai croisé des expositions, des lieux, des personnes, des points de vue, de la beauté, des pavés, des tramways…et puis quelques concerts, forcément. Au fur et à mesure, j’ai découvert le bouillonnement de cette ville pleine de ressources (..et de collines dont les sommets régalent les yeux, mais ce n’est pas le sujet). Je suis rentrée avec des souvenirs plein la tête et l’envie profonde de parler de tout cela : il se passe des choses sur la scène musicale de ce petit pays au centre de l’Europe et il est grand temps que nous allions y tendre une oreille ! Je suis donc allée à la rencontre de musicien-ne-s tchèques afin d’en savoir plus là-dessus.

Cette fois-là le rendez-vous était pris, dans un bar animé du quartier de Vinohrady, avec deux membres du groupe Market, première formation de cette série d’articles…

-Est-ce que vous pouvez présenter rapidement le groupe (ses membres etc) ?

Jakub : Alors il y a moi, Jakub, je joue de la guitare et des claviers, Market c’est aussi lui (montrant son acolyte en face de lui), Pavel, il s’occupe des synthés et euh…

Pavel : …des samples

Jakub : Oui..après on a Andřé qui est le bassiste puis Marek qui est le batteur et Šimon qui est au chant et à la guitare…et voilà notre joyeuse bande !

-Depuis quand jouez-vous ensemble ?

Pavel : Je pense qu’on a officiellement créé le groupe en septembre…2017 et on a fait notre premier concert en février 2018. donc oui ça fait à peu près deux ans. Aussi, en mai dernier, on a sorti notre premier album Art Star et puis..

Jakub : ..on a fait quelques dates depuis et c’est tout !

Pavel : Oui, on a juste sorti un single et je pense que c’est tout !

-Quelles sont vos inspirations (pas forcément musicales) pour créer vos morceaux ?

Pavel : Je pense que c’est très varié…et je crois que je peux aussi parler au nom de Šimon avec qui je compose les morceaux, parce que c’est pareil pour lui : on écoute vraiment beaucoup de styles différents. C’est vraiment ça, on ne s’est jamais dit « notre musique devrait sonner comme tel groupe » ou « on va faire de l’électro ou autre ». Non, la phase de composition s’est toujours déroulée naturellement. Donc je dirais que ce qui nous inspire c’est la musique, de manière générale.

Jakub : Je ne pense pas qu’il y ait un seul genre musical que l’on n’écoute pas…

Pavel :…à part la country

Jakub : J’aime la country ! J’ai acheté un album de country samedi dernier (on avait trop bu)…

Pavel : Je sais ! Je disais ça pour rire ! En fait un seul genre que je ne pourrais vraiment pas qualifier d’influence c’est le reggaeton mais à part ça…

-Comment vous composez vos chansons du coup ? Est-ce que vous avez un schéma qui revient régulièrement par exemple ?

Pavel : Pas vraiment..mais je dirai qu’en général c’est moitié moitié entre Šimon et moi. Par exemple je commence à composer une partie de l’instru et je l’envoie à Šimon qui va écrire les paroles et, à partir de là, on va faire des allers-retours. Après on va peut-être proposer une démo aux autres qu’on va retravailler tous ensemble.

Jakub : Après on ne va pas leur dire « non, ça c’est nul, on recommence » ! (rires) Juste se réapproprier nos parties pour que ça sonne plus juste pour nous.

Pavel : Mais c’est pas vraiment un processus précis et non modifiable, c’est très variable.

© Bára Gadlinová

-Comment vous présenteriez la scène musicale pragoise à quelqu’un qui y est complètement étranger à cela ?

Jakub : Tout d’abord, il faut dire que c’est de mieux en mieux et de plus en plus développé d’année en année. Chaque année il y a de nouveaux groupes qui sont meilleurs que les précédents. Je me souviens quand j’avais 21 ou 22 ans, il n’y avait pas vraiment de musiques d’ici que j’aimais écouter mais maintenant, de nouveaux projets qui apparaissent régulièrement. Donc, oui, ça devient de plus en plus intéressant… Tu as pas mal de formations qui font du rock à guitares mais aussi des producteurs d’électro, de techno et de dance, beaucoup de DJs avec des styles très différents…beaucoup de nouveaux clubs qui ouvrent aussi.

Si je devais présenter cette scène à quelqu’un qui ne connait pas du tout Prague, je lui conseillerai juste d’aller se balader dans différents clubs et salles de concerts qui proposent différents styles de musique.

Pavel : En même temps je ne pense pas que Prague est une ville avec une seule facette, avec une chanson/un groupe/genre musical très identifié-e et qui pourrait la représenter. Ce n’est pas comme Berlin par exemple.

Jakub : Je dis toujours que Prague est un melting pot musical. Les gens vont aller visiter Berlin, Amsterdam ou Londres (toutes ces villes qui brassent plus de monde, qui ont des scènes plus développées) et s’en inspirer. Du coup, ici il y a plein de courants musicaux différents mais rien n’est « au top » si je puis dire… par contre ça devient de mieux en mieux au fur et à mesure que le temps passe.

Pavel : Peut-être que la techno est au-dessus quand même, on a une très bonne scène techno ici et je ne parle pas seulement de Prague mais un peu partout dans le pays, notamment à Brno par exemple…mais on doit encore trouver notre place dans le paysage international, on n’a pas vraiment de style précis qui pourrait marquer l’identité de la ville…

Jakub : ..Mais c’est bien pour toi par exemple, comme ça tu peux découvrir des artistes qui jouent des morceaux issus de courants très différents tout en restant dans la même ville !

-Et du coup comment vous vous sentez au sein de cette scène ?

Jakub : Je ne crois pas qu’on ait vraiment une place précise. Certaines personnes disent qu’on fait partie de la scène rock et, c’est pas contre eux, mais j’ai l’impression que c’est juste pour mettre une étiquette sur ce qu’on fait alors que notre musique est un mélange de différents genres. Oui, on joue avec des guitares mais on ne peut pas nous résumer à cela. Ça nous ramène à la question précédente en fait : je pense que la scène musicale pragoise est très variée et tou-te-s les musicien-ne-s se rencontrent. C’est un petit monde… et je ne crois pas qu’on ait une place spéciale.

Pavel : Je ne pense pas non plus… au début, pas mal de gens nous ont classés dans la grande famille, un peu vague, de l’indé…mais en même temps on ne peut pas reprocher ça au gens. Quand on écoute une chanson, on va juste, instinctivement la relier à ce que font d’autres artistes que l’on connait.

Jakub : Voilà…mais en même temps on ne se préoccupe pas trop de tout cela. C’est cool si les gens écoutent notre musique, viennent nous voir en concert etc… mais on ne se soucie pas vraiment de savoir si on rentre bien dans des cases précises.

-Quelles sont les meilleurs endroits pour écouter/découvrir des musiques à Prague ?

Pavel : Je dirai le Fuchs2, qui a ouvert il y a environ un an, Underdogs qui est…

Jakub : …Underdogs est un endroit plus underground qui accueille plusieurs styles de musique de la pop comme du hardcore ou encore de l’électro bien sûr. C’est un vieux sous-sol (d’où le nom !) …et c’est vraiment une bonne salle !

Après cela dépend du style de musique que tu veux aller voir évidemment. Il y a aussi les grosses salles comme le Roxy.

Pavel : Il y a aussi des endroits comme Forum Karlin…qui n’accueillent pas que des concerts, ils font aussi office de théâtre etc

Jakub : 007 aussi ! C’est un peu comme Underdogs… sauf que ça existe depuis quelque chose comme trente ou quarante ans (en réalité le club vient de fêter ses cinquante ans), c’est assez mythique.

Pavel : Sous le régime communiste, c’était l’un des rares endroits (voire le seul) où l’on pouvait voir jouer des groupes de rock du bloc de l’Ouest.

Jakub : On peut aussi trouver de très bons clubs en dehors de Prague, dans d’autres villes, comme à Brno…Ah et Café v Lese est sympa aussi !

Et pour finir, est-ce que vous avez des projets pour les mois à venir ?

(Ils hésitent, se concertent)

Jakub : Bon…on travaille sur de nouveaux morceaux mais on ne peut pas vraiment en dire plus pour le moment.

Retrouvez la musique de Market ici ou

Parlana part III / Interview

parlana interview

Notre chroniqueur Omar Wild termine son reportage avec une interview du créateur de Parlana :

Trois questions à Jody Vagnoni, créateur de Parlana.

Tu es Italien, comment as-tu eu l’idée de créer un événement tel que Parlana en Bolivie ?
J’ai vécu et voyagé dans plusieurs parties du monde et à chaque fois je cherchais à rencontrer les habitants du pays, car je savais que ma perception du pays, en tant qu’étranger, était limitée.
Je trouvais ce lien très fort entre un étranger et des locaux, car l’étranger peut changer son point de vue sur la culture du pays, et les locaux peuvent comprendre les questionnements de l’étranger.
J’appelle ce lien une « co-construction »… Puis j’ai atterri en Bolivie en tant que bénévole et j’ai connu beaucoup d’autres voyageurs qui cherchaient à communiquer. J’ai alors créé une réunion, comme un café linguistique en Europe, mais je voulais lui donner un nom original en Quechua, la langue locale. « Parlana » veut dire « parlons », sa sonorité est compréhensible par tout le monde. Cela a commencé tout petit mais ça a très vite grandi car je ne voulais pas limiter l’événement au simple échange linguistique; il y a beaucoup de belles choses cachées en Bolivie, je voulais que l’événement devienne une occasion de découverte de la culture… C’est devenu une grosse gestion qui jongle entre sortie culturelle et teuf! J’aime cette ambivalence entre le fait de se cultiver et se détruire. En Bolivie, aucun rendez-vous, même religieux ou autochtone, ne peut finir sans fête et sans destruction, fête et boisson.

Le tourisme de masse est très récent en Bolivie, avec des bons et des mauvais effets. Qu’en penses-tu ?
La Bolivie a un énorme avantage avec ses territoires que tout le monde connaît et ceux qui sont inconnus. Ce qui est connu, c’est une sorte de zone de confort, La Paz, Salar de Uyuni, le Lac Titicaca. Très peu de voyageurs vont dans les villages et les vallées. La plupart sont juste de passage et veulent enchaîner les pays d’Amérique Latine. Mais ce qu’on ne mentionne pas, c’est l’impact que ce pays a sur les voyageurs étrangers. La plupart viennent ici avec de petites attentes et repartent en ayant vécu une expérience bien plus riche que celle vécue dans d’autres pays. Ici on peut pratiquer un tourisme alternatif de bonne qualité car rien n’est encore systématisé et l’expérience vécue sera unique, où tout reste encore à découvrir et à explorer, par rapport aux autres pays du continent.

Quels sont les prochains projets de Parlana en Bolivie et dans le monde ?
La Bolivie est un pays énorme et il manque encore plein de services touristiques, comme les visites urbaines, la valorisation de la culture locale, le service personnalisé. Parlana est un service alternatif. Nous avons un nouveau projet qui s’appelle Parlana Experience et qui a déjà gagné deux prix comme meilleure start up en Bolivie. Il s’agit d’une plateforme où les résidents proposent de partager leur savoir-faire avec des voyageurs. Ces résidents s’appellent les « gurus ». Il y a le guru culturel, festif, sportif, explorateur, féru de gastronomie, artisan, spirituel, etc. Ces personnes ont leurs passions, leurs expériences et leur vision de la Bolivie, qu’ils veulent partager avec des voyageurs. Par exemple, je suis un « guru culturel » et je fais des retraites de cinq jours dans la vallée. Certaines agences proposent ce même type de services, mais elles n’ont pas un guru qui propose un service personnalisé, sur mesure, où il partage sa vie avec toi, et à un prix moindre, fixé par le guru… Ce n’est pas réservé qu’aux jeunes guides. Par exemple, un de nos bénévoles a fait découvrir le lieu de vie d’une femme paysanne avec qui tu vas récolter des légumes et cuisiner un plat, puis tu vas te baigner dans la rivière qui passe à côté de sa maison. Cette femme est devenue un « guru » depuis. Et ça n’existe ni dans une agence touristique, ni dans Trip Advisor, Lonely Planet, ou autre site.

Omar W.

Crédits photo: Adrian Cardozo

Parlana part II / Interview du DJ Santander

parlana bolivie

La suite des pérégrinations de notre chroniqueur Omar, en plein festival linguistique, une interview du DJ Marco Santander à la clef.

… Pendant les cris de minuit, la batucada anime les sauts du public et le Dj fait une pause. J’en profite pour monter sur la scène interviewer Marco Santander, le DJ qui a la responsabilité d’enflammer les gens avec son électro house teinté de sons tropicaux…

– Hey Marco, c’est quoi ton but comme DJ ?
– Mon but, c’est de jouer avec l’énergie du public. J’essaie d’impulser de la joie, de l’euphorie, pour que ça devienne un moment inoubliable.
– Toi qui es un jeune DJ, comment trouves-tu la scène nationale bolivienne aujourd’hui ?
– La production nationale est grandissante, surtout dans ma ville, Santa Cruz. Malheureusement on manque de soutien pour se produire. Il n’y a malheureusement que de la musique commerciale jouée dans les bars; nous les autres artistes, nous devons nous auto-produire et travailler dur pour nous faire connaître mais on y arrive.

– Pour nos amis voyageurs qui viennent ici, qu’est-ce que tu conseilles d’écouter ?
– Si vous venez en Bolivie, jetez une oreille sur la musique traditionnelle de la région amazonienne, car c’est celle dont on parle le moins. Ecoutez par exemple « el Trasnochador » une chanson folklorique de Santa Cruz avec beaucoup de sentiments et de sens ».

Je laisse Marco se remettre aux platines car la batucada vient de finir. Ici s’arrêtent mes interviews, le reste de mes enregistrements étant des cris d’excitation, je vous laisse imaginer… La Parlana aura réussi son pari, marquant une génération des 20-30 ans qui espérons, changera la manière de voyager des voyageurs d’aujourd’hui. C’est en tout cas un moyen parfait pour découvrir la culture et la musique du pays et je vous invite à assouvir vos élans de curiosité en cherchant des infos sur les groupes cités dans cet article et sur la Parlana, présente dans 4 villes en Bolivie, ainsi qu’en Argentine et Italie.

Retrouvez la suite des aventures, avec l’interview du créateur de Parlana.

Omar W.

Crédits photo: Adrian Cardozo – www.facebook.com/adriancardozofotografia

« Parlana » en Bolivie, échanges culturel et musiques festives !

parlana bolivie

Si le nouvel an est une occasion pour fêter l’arrivée d’une nouvelle année pleine d’opportunités, pour les Musicophages et OMAR, notre chroniqueur aventurier bolivien ça a été l’occasion de vivre une expérience musicale unique au monde au travers de l’événement PARLANA, ou comment faire la fiesta à l’étranger entouré d’étrangers. Voici la chronique musicale et festive de notre baroudeur musical parti explorer les sons modernes de l’Amérique Latine, sur place svp!

Il y a en ce moment une mouvance qui va révolutionner nos manières de voyager dans le monde. Le collectif Parlana veut accomplir tous vos rêves de jeune voyageur: découvrir la culture locale, rencontrer les habitants, rencontrer d’autres voyageurs, faire la fête, faire des activités uniques et connaître des lieux qui sortent du cadre habituel des agences de tourisme.
Dans la ville de Cochabamba, en Bolivie, impulsé par Jody, un volontaire italien désireux que voyageurs et locaux se rencontrent crée en 2014 la Fondation Parlana, qui chaque mardi organise des échanges linguistiques dans les bars de la ville. Au départ on s’attend à un « café linguistique » où l’on va s’asseoir pour pratiquer son anglais… Que nenni! Jody a bien compris l’esprit de la Bolivie, où chaque événement se solde par un concert, une danse, et une bonne part de drague… la fête quoi. Et la formule colle parfaitement aux attentes des jeunes voyageurs étrangers qui ne rêvent que d’une chose, sortir de leur auberge pour rencontrer des gens et vivre une expérience unique. C’est pour nous l’occasion de découvrir la scène moderne du pays.

J’ai eu l’occasion de couvrir le « Parlana 2018 – New Year Experience », ou une énorme fête dans la campagne de Cochabamaba au Centre de la Bolivie, un camping, pas moins de 7 DJ de musique tropicale et électro, une batuccada ; le tout arrosé par un open bar jusqu’à minuit !

Armé de mon appareil photo, mon badge de reporter et mon dictaphone, je me suis lancé à la chasse de boliviens et d’étrangers désireux de partager leur point de vue sur la musique bolivienne et sur les rencontres des autres cultures.

La soirée commence doucement, les gens galèrent à planter leur tente dans l’obscurité (le soleil se couche à 18h30 en Bolivie). Alors je vais parler avec les organisateurs de la fête. Je tombe sur Tamy, jeune chilienne souriante, chargée de l’accueil du public. « Je suis du Chilli, mais je me sens comme une bolivienne, ce pays est génial ! » s’ exclame-t-elle. « A Cochabamba il y a un lieu pour chaque rang social, tandis qu’à Parlana nous sommes mélangés, et les participants savent qu’ils peuvent être eux-mêmes ». Confirmation avec Sheyla, cameraman de la soirée : « Pour les boliviens la Parlana ça veut dire pouvoir se connecter avec d’autres cultures sans avoir besoin de voyager, car tout le monde ici ne peut s’offrir un billet d’avion. Et cette année ça va être trop bien car il y a plusieurs dj pour les goûts de tout le monde ». Profitant que Sheyla tient son appareil, je me fais tirer le portrait par elle, et par Adrian, photographe officiel qui a eu la gentillesse de nous partager les clichés que vous voyez.

La soirée avance et lorsque le bar gratuit ouvre, tout le monde se rue dessus pour avoir son Chuflay (LE cocktail du pays). Je rencontre Ludivine, française, chargée de communication de Parlana : « Si vous venez en Bolivie, vous devez écouter de la Saya Afro, j’adore les concerts de Saya, c’est très traditionnel. Je vous suggère aussi d’écouter Crapula et Octavia, les meilleurs groupes de Rock du pays » (ndlr: Octavia est l’un des piliers de la musique actuelle bolivienne depuis 25 ans). Plus tard dans la soirée j’aborde des groupes de toutes sortes, boliviens et européens. Quelqu’un hurle au micro que la fiesta está bien rico (la soirée est trop bonne). Je rencontre Alejandro, franco-américain, ayant pas mal voyagé entre les continents :
« Je conseillerais aux français qui viennent dans ce pays de venir avec un esprit d’ouverture et d’humilité car les habitudes des boliviens sont très particulières. Je vous conseille d’écouter Azul Azul, qui et le groupe qui a créé La Bomba, un tube mondial. »

Retrouvez demain, la suite des aventures de notre chroniqueur Omar avec une interview du DJ Santander et du créateur de Parlana Jody Vagnoni.

Omar W.

Crédits photo: Adrian Cardozo – www.facebook.com/adriancardozofotografia

Cuarteto Tafí, les voix de l’Argentine toulousaine

Cuarteto Tafí interview musicophages

De tous les groupes latinos qui écument les bars et les festivals de Toulouse, le Cuarteto Tafí est l’un des seuls à avoir transformé la culture argentine avec douceur et originalité. Le résultat ? Des concerts passionnés que ce quatuor joue avec une finesse mélodieuse. C’est aussi l’un de seuls à avoir sur son compteur 3 albums, dont le dernier Semillas, paraitra le 10 Février 2018. Si vous ne les connaissez pas encore, faisons les présentations en compagnie de la chanteuse, Léonore qui a répondu à 3 questions clés pour les Musicophages.

Les Musicophages : « Cuarteto », on comprend, mais qu’est-ce que cela veut dire « Tafí »???

Léonore : Tafí est le nom d’une ville au Nord de l’Argentine, Tafí del Valle. Berceau du folklore, elle est perchée dans la montagne, dans la province de Tucumán. Tafí est un petit village qui vit entre les nuages et la brume, dans une vallée qui est comme suspendue entre la terre et le ciel, avec une empreinte historique forte forgée de résistance et de luttes indiennes. Elle accueillit bon nombre de compositeurs et inspira beaucoup de chansons populaires de part sa géographie mais aussi son histoire, rattachée à la musique traditionnelle.

Vous faites de la musique du nord-ouest argentin, pourtant l’Argentine possède un territoire énorme. Pourquoi avoir choisi cette partie précise d’un si grand pays?

Au début de notre rencontre, nous voulions rendre hommage au folklore du Nord ouest argentin, injustement méconnu ici en France. Lorsque l’on dit musique argentine, on pense au tango mais presque jamais aux zambas et aux chacareras. Pourtant elles ont forgé l’identité de la musique et construit le chemin de ce qui s’appellera le « folklore ». Elles sont rattachées à une zone géographique, aux espaces ruraux, aux problématiques liées aux paysans, à la terre, la récolte, l’amour aussi, le temps, la musique, la famille. Loin d’être conservatrices, ces musiques ont questionné la place de l’homme et de la femme dans son travail, la rudesse du travail, mais aussi la beauté de l’amour et la poésie des paysages. Atahualpa Yupanqui, Horacio Guarani, Mercedes Sosa, la famille Carabajal nous ont inspiré et accompagné durant tout ce chemin musical.

Vos chansons portent beaucoup de sens, il est question d’exil, d’injustice sociale, de la valorisation des cultures traditionnelles… que pensez-vous des artistes latino-américains connus en France, qui ne sont célèbres que pour une jolie mélodie et sons entraînants?

Aujourd’hui nous avons trouvé notre propre résonance musicale, l’essence de la musique argentine s’est mélangée à nos propres essences, à nos identités et ont donné un style propre et original qui mêle avec douceur et folie des sons afros, grecs, espagnols avec toujours un substrat argentin! Trois albums nous accompagnent aujourd’hui, nous en sommes très heureux! En tant qu’artistes, nous nous devons de questionner le monde qui nous entoure, l’interroger dans nos textes et accompagner aussi bien que mal un contexte politique et social qui est fragile et injuste. Mais aussi parler des mouvements porteurs d’espoir et de luttes permanentes en Amérique latine. « Les jolies mélodies et sons entraînants » sont éphémères, se las llevará el viento, et ne répondent qu’à une exigence commerciale et parfois politique, ils ne font que caresser le cœur et les oreilles, par contre les chants profonds et visionnaires se déposent à jamais sur la peau et nous accompagnent toute notre vie, comme une berceuse, une vielle cassette qui résonne dans les cuisines où nous avons grandit et nous rappellent combien ces musiques font partie de nous. Ecoute Gracias a la Vida de Violeta Parra, Ojalá de Silvio, Latinoamérica de Calle 13, Sólo le pido a Diós de Gieco, Zapata se queda de Lila Downs! Ces musiques, hymnes presque! font désormais partie de nous et feront à coup sûr grandir nos enfants!

Le rendez-vous est donné à Paris le 10 Février, pour le lancement du troisième opus, dans le cadre du festival « Au Fil de Voix ». Les toulousains devront attendre le concert du 8 mars, au « Rex ». Mais vous pouvez déjà écouter certains des morceaux et voir des vidéos sur le site internet du groupe, voyage sans retour assuré…

http://www.cuartetotafi.com/

Par Omar Wild.

Crédit photo : Guillian Diez