La cave underground du DESERTER Csaba Palotaï

Ooops voilà que j’ai les pieds en gigue et la tête qui dérive.
Les hanches qui roulent, les bras qui font l’oiseau.
J’appelle un docteur ? J’ouvre la fenêtre pour faire entrer de l’air frais ?
Pas la peine, il y en a plein l’appartemen, et la machine à fumée psychédélique responsable de mon état, c’est le premier album solo de Csaba Palotaï .

The Deserter, une bonne dizaine de petites pièces solos pour guitare électrique triturée, guitare qui racle, guitare qui se tord, exacerbée mais jamais brutale, guitare qui soudain cajole et hurle à nouveau.  De la musique comme on se l’explore dans la cave ou dans le garage, en pur chercheur, sans compte à rendre à personne.  C’est en effet à une des sources les plus enfouies de l’underground que Csaba semble brancher sa petite turbine saturée.

Photo-©-Vincent-Bourre

Avec The Deserter, on est au cœur du labo, on manipule la teinture-mère.  On jurerait que ce gars-là est connecté aux concerts subversifs des années’ 70 – côté Est du mur – et à ce que des artistes comme Led Zeppelin ou Jimi Hendrix apportaient au Blues, ou Zappa au jazz – aussi, puisque Csaba Palotaï vient du jazz.

Je ne dis pas qu’il les imite. Il se replace sur un nœud d’énergie aussi prometteur que quand on rebat les cartes au jeu. Il ouvre les vannes, comme ces bands l’ont fait, pour le grand bien de la musique.  Preuve qu’il a les idées claires et sa palette expressive bien en main, Csaba n’est pour moi jamais autant lui-même que quand il interprète dans son jus à lui un traditionnel Transylvanien (1) – un peu comme Jimi repeignant The Star-Spangled Banner à Woodstock – si ça vous parle …

Photo-© Cedric Maheut

Cette époque-ci a fini de pousser au paroxysme des modèles et des concepts épuisés. Place à l’invention, en musique comme ailleurs.  Avec The Deserter, Csaba Palotaï nous fait claquer la chemise au vent d’une puissante aspiration de liberté.

Et pour ce qu’il en dit lui-même, voici un trailer fort bien fait.

(1) The Burning House (Pabilijas), qu’on connaît dans une version beaucoup plus aérienne par sa compatriote Zsuzsanna Vàrkonyi – dont il est le comparse dans bien des projets musicaux.

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The Deserter chez le distributeur UVM

csabapalotai.com/

Csaba Palotaï, depuis 20 ans en France, a tourné avec son Grupa Palotaï, puis son spectacle Electric vaudeville. Il est aussi le guitariste d’Emily Loizeau, écrit, arrange pour quantité de projets.

C’est demain : La Jazz-Week #2 au TAQUIN

A une époque pas si lointaine, les caves de Toulouse bruissaient des accents du jazz, et les grands noms y tenaient régulièrement le haut de l’affiche.  Dans le circuit, il y avait le Mandala, aux Amidonniers, club mythique fermé il y a quelques années.  Depuis l’automne 2016, une équipe motivée – Dame : ils sont tous musiciens ! – a rénové les murs de fond en comble et soigné le confort musical pour tous : installation son de haute qualité, agencement des salles revu, bars et restauration pro et plus que sympa,  le nouveau club Le Taquin joue clairement dans la cour des grands.

La qualité de la programmation a rapidement permis de re-situer Le Taquin dans le circuit Jazz national et dans l’agenda des lieux qui font bouger la ville rose.  Figure jazz locale incontournable, le batteur TonTon_Salut a su contribuer à l’esprit du lieu rénové ; ses jams légendaires ne sont plus à présenter.

Le trio qu’il forme avec Julien Duthu (basse) et Laurent Fickelson (piano) a pris l’initiative d’une JAZZ WEEK qui – dans la grande tradition des clubs – invite des pointures à revisiter avec eux quelques standards des années ’50 et ’60  tels Lee Morgan et Freddie Hubbard, Wayne Shorter, Joe Henderson ou Jackie McLean, Herbie Hancock, McCoy Tyner, entre autres…  Mais attention, à la fois dans l’esprit « jam » et vu la personnalité des invités, l’affaire peut très bien démarrer « old school » et rapidement frôler les sorties de route.  Surchauffe garantie en tout cas, avec Hugo Lippi, Alex Tassel, Guillaume Naturel, Stéphane Belmondo, Pierrick Pédron.  Vous avez bien lu : on parle bien de la fine fleur du jazz.  A Toulouse et dans un club. Ça fait du bien de voir que l’esprit Jazz n’a pas quitté la ville.  Et que la fidélité, le dynamisme et des murs chaleureux vont nous assurer une belle semaine !  On s’y retrouve ?

JAZZ WEEK #2  Du 17 au 21 janvier 2018 au TAQUIN

En partenariat avec Les Pianophiles

Tous renseignements sur la programmation et la réservation : le-taquin.fr

RENCONTRES/MASTER CLASSES avec
HUGO LIPPI — « la guitare dans le jazz » jeudi 18 janvier
& ALEXANDRE TASSEL — « le musicien pluriel » vendredi 19 janvier

Au Taquin de 17h15 à 19h15 – entrée libre places limitées envoyer un mail avec votre nom, prénom, instrument et N° de tel à rencontres.jazzweek@gmail.com

REVERSO–Suite Ravel : Debut album et Storytelling Jazz en jeux de miroirs

Reverso -Suite Ravel [PhonoArt oct.2017]

Peut-on, en musique, créer à partir de rien?  S’abstraire totalement des héritages et de l’air du temps et n’écouter que ses tripes ?  A ceux qui ont digéré la frustration de cette quête impossible s’ouvre la  voie royale de l’aventure et de l’innovation, une posture d’artisan inspiré, affranchi des académismes, et qui autorise mêmes toutes les rages, toutes les audaces.

Voici celle du projet jazz REVERSO et de son premier album Suite Ravel , par lequel l’innovation est questionnée au fil d’une traversée musicale en forme de jeu de miroirs entre l’œuvre d’un musicien des années ’30 : Maurice Ravel – l’homme au célèbre Boléro mais pas que ! – et ce qu’elle inspire dans leur langue jazz du 21e siècle aux leaders du projet REVERSO : Frank Woeste, pianiste d’origine allemande vivant en France,  et Ryan Keberle, tromboniste américain.

Sur la table, il y a Le Tombeau de Couperin, une œuvre composée entre 1914 et 1917 par Ravel sur le thème de l’amitié et en hommage aux compositeurs français du XVIIIe qu’il adorait.  Posé comme ça, d’accord, ça fait un peu vieux meuble!  Tssss…  Ravel, faut savoir, est un inventeur fertile, branché sur l’innovation en permanence, tous capteurs dehors, et pas que pour le style .  Ravel, faut savoir ça, fut un des premiers musiciens « classiques » à s’inspirer des développements harmoniques et du tout-puissant potentiel d’impro du Jazz.  En tournée au USA en 1928, il a pu dire :

Vous, les Américains, prenez le jazz trop à la légère. Vous semblez y voir une musique de peu de valeur, vulgaire, éphémère. Alors qu’à mes yeux, c’est lui qui donnera naissance à la musique nationale des États-Unis.

Juste retour des choses, c’est par la suite l’impressionnisme de Ravel qui influencera des pointures comme Miles Davis, Herbie Hancock, et bien d’autres.

Maurice RAVEL (1875 – 1937) [photo Boris Lipnitzki]
Faire du neuf avec du vieux, c’était le challenge de Ravel et ce sera celui du projet REVERSO.  Mais façon Haute-Couture, rénovation d’architecte, création de chef étoilé. Comme Ravel, Woeste et Keberle partent d’une forme ancienne : la suite baroque française, composée de six mouvements, pour la développer, la décliner, la conjuguer,  sublimer sa grammaire dans un storytelling labyrinthique et envoûtant.  C’est soyeux puis ça gronde.  On passe des volutes au beat entêtant.  Des fois on est perdus, tous sens brouillés comme au palais des glaces, puis le thème nous rattrape, à la sortie des rapides.  Ce truc est vivant !

Nous pensions qu’il était intéressant de voir comment Maurice Ravel parvenait à prendre quelque chose d’ancien et ensuite à créer, donnant cette musique incroyablement innovante et moderne, basée sur cette forme ancienne.  Voilà ! Nous avons essayé de faire la même chose.   (Ryan Keberle)

Pour restituer toutes les nuances de ces registres harmoniques dans un esprit de quatuor à cordes, Frank Woeste a voulu rapprocher les textures du trombone de Ryan avec celles du violoncelle de Vincent Courtois, misant sur l’amplitude chromatique de cet instrument chaleureux qui évoque tant la voix humaine.  Avec le batteur et percussionniste Jeff Ballard, Frank a trouvé un musicien ouvert aux explorations et garant d’une base rythmique qui est  l’interface essentielle pour un dialogue avec les compositions de Ravel.

Faire du neuf avec du vieux, c’est pas qu’une formule.  Les rappeurs les plus intègres reconnaissent avec émotion que leurs racines plongent dans le blues le plus pauvre, celui du Delta du Mississippi des années ’30, qui remontera ensuite vers Chicago en s’électrifiant.  Même pulsion, même urgence.

La Suite RaveI du projet REVERSO ne raconte pas autre chose : un voyage chaque fois réinventé.  Simplement ici, la suite Jazz est plus complexe qu’un blues ou qu’un son rap, plus sinueuse, mais pas grave : c’est le flux qui compte non ? Le trajet de la rivière en entier, ce qu’on traverse au pays des émotions, où elles nous mènent.

Une suite en musique, c’est peut-être la forme la plus adaptée pour accueillir une histoire.  Une belle histoire, bien fichue, en littérature, au cinéma, en peinture, c’est tout ce qu’on demande non ?  De Ravel à Reverso, toutes frontières abattues, c’est la grâce de l’invention qui emporte.  Et qui inspire, aujourd’hui comme hier.

line-up (sur la photo de g à d: Ryan KEBERLE, Vincent COURTOIS, Jeff BALLARD, Frank WOESTE

L’album est paru en octobre 2017.  Dispo aux formats cd et digital dans les circuits habituels.

frankwoeste.com

WALTER SEXTANT, la part qui échappe…

WALTER SEXTANT photo par William Laudinat

Album SARAJEVO (2017)

Et si on virait de la table les vieux clichés qui traînent, genre jazz-pour-intellos, rock-progressif-qui-se-la-pète et pourquoi pas musiques actuelles, ce grand fourre-tout ?!
Posez-y donc cette galette, SARAJEVO, 2ème album du jeune groupe Toulousain emmené par Rémi Savignat, qui signe également les compositions.
Avis aux colleurs d’étiquettes : laissez tomber… Flairez plutôt. Lentement. Prenez ça pour l’exploration sensorielle qui définira le mieux l’idée de liberté que vous associez à la musique. Si on arrive là, le plus dur est fait, car pour la suite, avec l’alchimiste Walter Sextant aux manettes, il suffit de se laisser prendre l’imaginaire par les oreilles, et de glisser tout shuss dans l’univers puissamment narratif développé dans chaque titre et tout au long de l’album.
Sur la trame d’un power trio guitare-basse-batterie qui signe un héritage rock ’70 sublimé par sa fidèle Stratocaster, Rémi Savignat est allé métisser les couleurs et les textures d’une section cuivre à haut potentiel d’animation, aussi inventive qu’un feu follet pour tantôt fasciner, tantôt mettre le bazar, et bien sûr signer les évocations cinématographiques irrésistibles déroulées par exemple dans le morceau-titre Sarajevo. S’y ajoutent quelques nappes et effets-machines infusés du hip-hop parce que – bon sang – ces petits gars sont de leur époque !
Sur les propositions de Rémi, les musiciens ont harmonisé une créativité toute personnelle, fusionnée dans un bel esprit de band. C’est le même plaisir, exploratoire et décomplexé, qui ravit à l’écoute. C’est la part qui échappe au compositeur, qui échappe à l’auditeur écoutant, et – comme d’un rêve – dont on a tellement à apprendre.

On peut se faire une idée avec ce titre raconteur SARAJEVO, qui enchaîne puissances atmosphériques, fracas, et montées aux cieux ! Amen

Sur le site, plein de choses à lire, à écouter, ainsi que l’agenda des concerts. http://waltersextant.com/

Prochaines dates pour WALTER SEXTANT à Toulouse : ce vendredi 20 octobre à La Candela (St Cyprien) et le 25 novembre au Taquin (Les Amidonniers).